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Évolution des effectifs en alternance et difficultés de recrutement

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L’augmentation récente des effectifs de l’alternance est à la fois une tendance structurelle depuis 2015 et une tendance conjoncturelle depuis 2020 comme effet du Plan de relance.
De 464 000 nouveaux contrats en alternance en 2014, leur nombre est passé à près de 855 000 nouveaux contrats en 2021, soit une augmentation de +84% en 7 ans, et +31% pour la seule dernière année (le seul effet Plan de relance correspond à +25%).
L’augmentation de l’effectif des alternants en fin d’année est moindre (seulement +65%) car la durée moyenne des contrats en apprentissage a tendance à se raccourcir, le nombre de contrats durant 1 an ou moins augmentant fortement, ce qui correspond à une augmentation de l’apprentissage contractualisé pour la dernière année d’étude.
Les remontées du terrain indiquent que la progression s’est poursuivie en 2022 en écho à la prolongation des aides du Plan de relance.


Source : Dares, Système d’Information sur l’Apprentissage

Il convient de distinguer dans l’alternance, les contrats en apprentissage et les contrats professionnels en alternance. Bien que tendant à se rapprocher, ils sont relativement différents, tant dans la durée moyenne des contrats que dans le type de certifications obtenues. En particulier l’apprentissage est pour l’essentiel mobilisé pour obtenir un diplôme alors que le contrat de professionnalisation concerne plutôt les titres et certificats de qualification professionnelle. L’apprentissage comporte une limite d’âge qui est de 26 ans, passée récemment à 29 ans, alors que les contras pro ne comportent pas de limite d’âge même si en pratique les embauches en alternance concernent très rarement des demandeurs d’emploi ayant plus de 40 ans.
Le montant de l’aide prévue dans le plan de relance est également différent, plus avantageux pour l’apprentissage que pour le contrat pro.
Ces différences expliquent sans doute pourquoi l’évolution de l’apprentissage et celle des contrats pros sont différentes : alors que l’apprentissage a augmenté de +165%, un quasi triplement du nombre de nouveaux contrats en 7 ans, les contrats pros ont diminué de -32% sur la même période. C’est surtout depuis 2018 que les contrats pros ont en fait chuté, passant de près de 235 000 contrats en 2018 à près de 113 000 en 2020, soit une diminution de -52%,  soit une division par 2 en 2 ans, principalement entre 2019 et 2020. En 2021, l’effectif remonte un peu. Le fait que la baisse ait démarré en 2019 et qu’elle semble s’arrêter en 2021 indique que la cause ne provient pas de la seule différence du montant de l’aide. Il apparaît clairement que le Plan de relance amplifie le phénomène, mais que l’on a bien une tendance structurelle pour un intérêt accru des entreprises et des jeunes pour l’apprentissage et un relatif désintérêt pour le contrat pro.


Source : Dares, Système d’Information sur l’Apprentissage

En regardant le niveau des qualifications visées par l’alternance, on constate que les nouveaux contrats visant les diplômes du supérieur sont très forte augmentation, passant de 249 000 en 2019 à 462 000 en 2021, soit +85% en 3 ans alors que l’augmentation des niveaux bac et infra n’est que de +27%.
Ainsi clairement l’augmentation de l’alternance, dont celle qui est imputable au plan de relance, concerne d’une part l’apprentissage et d’autre part les diplômes du supérieur, et tout particulièrement la dernière année d’études. Les remontées du terrain indiquent bien qu’il s’agit d’une transformation du stage de fin d’études, dit stage de professionnalisation et qui doit durer a minima 6 mois pour les diplômes professionnels, en contrat d’apprentissage. Il s’agit ni plus ni moins qu’une pratique de prérecrutement, d’autant plus précieuse pour les entreprises que les difficultés de recrutement se sont généralisées à tous les métiers et tous les postes. Pour résumer, les jeunes sortants des formations professionnelles du supérieur (du technicien supérieur à l’ingénieur dans tous les domaines techniques, commerciaux ou administratifs) sont recherchés par les entreprises pour renouveler leur personnel, cela d’autant plus que le turn-over des jeunes cadres a singulièrement augmenté ces dernières années.
Et a contrario la baisse des effectifs de contrat pro qui concernent plus les premiers niveaux de qualification correspond à des difficultés de recrutement dans le cadre de l’insertion d’une part, mais aussi à une certaine inadéquation de l’offre de formations en alternance pour former les jeunes ou moins jeunes embauchés comme ouvrier ou technicien des 1ers niveaux de qualification. La formation non qualifiante, le plus souvent informelle dans les plus petites entreprises, sera préférée en dépit du financement de l’alternance. Les remontées de terrain indiquent bien les difficultés à remplir les actions de formation proposées par Pole Emploi dans le cadre de dispositif où les entreprises se sont engagées à recruter, éventuellement avec de l’alternance à la clé. Les entreprises d’intérim sollicitées dans le processus ou les groupements d’employeurs d’insertion et de qualification (GEIQ) rencontrent les mêmes difficultés.
Au-delà de l’offre de formation de qualification professionnelle, il s’agit ici de la très grave problématique de recrutement dans les secteurs peu attractifs (multiples facteurs sont en jeu : localisation, conditions de travail, rémunération et qualité de vie, image des métiers, des activités, des entreprises…).


Source : Dares, Système d’Information sur l’Apprentissage

L’évolution de l’alternance entre 2021 et 2018 est ainsi très différente selon les secteurs.


Le Tertiaire plutôt attractif explose avec une augmentation allant jusqu’à +245% alors que les secteurs primaires et secondaires, la construction et l’hébergement-restauration ont une augmentation plus modérée d’environ +60% et même seulement +31% pour l’hébergement-restauration.
En conclusion si l’apprentissage a été de plus en plus mobilisé comme une pratique RH de recrutement, il n’a pas résolu les problèmes de recrutement et d’attractivité. Les secteurs les plus attractifs arrivent à mieux utiliser l’apprentissage que les autres et les dispositifs d’insertion aux emplois les moins qualifiés qui sont ciblés vers les secteurs les plus en peine de recrutement, peinent à déboucher sur l’embauche en alternance.
Pour éclairer cette analyse, en regardant l’évolution du nombre de projets de recrutement de façon globale, on peut bien voir une corrélation entre le développement de l’alternance (+350 000 contrats supplémentaires entre 2017 et 2021) et l’augmentation du besoin de main-d’œuvre. Les projets de recrutements passent ainsi de près de 2 000 000 à 3 000 000 de 2017 à 2022.


Source : Pole Emploi, enquête BMO Besoin de main-d’œuvre

Notons que la forte augmentation du nombre de contrats d’apprentissage a correspondu avec un ralentissement des recrutements dû à la Covid. En cela le Plan de relance dans son volet « 1 jeune 1 solution » a joué pleinement son rôle pour sauvegarder le flot d’embauche des jeunes, en particulier par l’apprentissage et même amplifier la tendance à hausse de l’apprentissage. En revanche, pour ce qui est du fort développement de l’apprentissage en remplacement du stage de fin d’études des formations du supérieur, on peut craindre qu’il y ait eu un effet d’opportunité, privilégiant l’embauche des jeunes diplômes avec un court apprentissage au détriment des jeunes passant par un stage de fin d’études.


Source : Pole Emploi, enquête BMO Besoin de main-d’œuvre

La relative déconnexion entre alternance et difficulté de recrutement apparaît clairement en constatant que le secteur de la construction qui a une forte pratique de l’alternance sous toutes ses formes depuis de nombreuses années, notamment pour les premiers niveaux de qualifications (l’apprentissage et le compagnonnage ont démarré dans le secteur du bâtiment). Or le secteur de la construction a eu une augmentation de l’alternance parmi les plus faibles (+59%) contre alors que les projets de recrutement augmentaient très fortement (+250 %).


Source : Pole Emploi, enquête BMO Besoin de main-d’œuvre

L’évolution des difficultés de recrutement correspond à l’augmentation des besoins de main-d’œuvre. C’est pourquoi le moindre besoin de main-d’œuvre s’est traduit en 2021 par une diminution des difficultés de recrutement. Néanmoins, la Covid n’a été qu’un répit, car une fois l’économie relancée, les projets de recrutements sont repartis à la hausse, d’autant plus hauts que les difficultés de recrutement augmentent en conséquence.
Et l’alternance ne semble pas apporter une solution à ces difficultés qui deviennent très dommageables pour le développement voire la survie des entreprises dans les secteurs les plus concernés, ceux qui sont finalement les moins attractifs.

Le développement de l’alternance est finalement fortement lié à la capacité des entreprises à recruter, à trouver des candidats à l’embauche qu’ils soient qualifiés ou non. Et ce problème d’attractivité sur certains métiers, en particulier les métiers de premiers niveaux de qualification des secteurs primaires, secondaires, de la construction, de l’hébergement-restauration ou de la santé et action sociale. Ce sont précisément les métiers pour lesquelles il existe des formations professionnelles infra bas. Et ces formations peinent à attirer suffisamment de jeunes avant le bac, tant le tropisme social est de poursuivre les études générales, pour aller le plus possible, obtenir le niveau de qualification le plus élevé, et par conséquent ne plus intéressé les métiers d’ouvriers et d’employés des secteurs où les difficultés de recrutement atteignent des niveaux alarmants. Il demeure que l’apprentissage est bien la voie royale pour les filières professionnelles avec un taux d’insertion à l’emploi et de poursuite d’études près de 100%. Une piste sérieuse de la formation professionnelle des niveaux CAP, BP et Bac Pro est très certainement de rendre quasi obligatoire que la dernière année se fasse en apprentissage, les premières années en voie scolaire devant permettre de préparer à l’emploi, de faire découvrir les métiers, mais aussi les entreprises. Cela signifie d’ailleurs que les entreprises des secteurs avec les difficultés de recrutement les plus grandes, gagnent à se rapprocher des lycées professionnels et même des collèges pour ouvrir leur porte pour des stages découverte pour faire connaître l’entreprise, l’activité et les métiers aux jeunes, et éventuellement envie d’y travailler.
Il demeure qu’il est possible pour les entreprises peuvent embaucher des demandeurs d’emploi en reconversion ou en insertion ou encore des immigrés, mais alors le recours à l’alternance ne semble pas être très pertinent. Un assouplissement et une adaptation des modalités de formation sont sans doute nécessaires pour être capables de répondre à un besoin de professionnalisation fortement personnalisé, tant du fait de l’hétérogénéité des publics que de la diversité des situations de travail.
Ainsi pour développer le recours à l’alternance, il apparaît nécessaire d’améliorer l’attractivité ainsi que l’accueil pus l’intégration des jeunes dans les entreprises. Et cela devient particulièrement difficile pour les plus petites entreprises qui se retrouvent en difficulté économique avec un manque de moyens humains et financiers pour précisément investir dans la gestion des ressources humaines et des recrutements.
C’est pourquoi le développement de l’alternance, apprentissage et contrat pro, est en question, surtout pour les secteurs ayant les plus grandes difficultés de recrutement.
Sans un accompagnement fort des entreprises de ces secteurs pour recourir à l’alternance, sans une adaptation des modalités de formation pour mieux s’adapter aux spécificités et à la diversité des publics et des situations, sans une mobilisation de tous les acteurs de l’emploi-formation-insertion pour améliorer le sourcing des entreprises comme des filières de formation professionnelle (aide aux transports, solution d’hébergement, découverte des métiers et des entreprises…), le danger est fort que le développement de l’alternance se fasse au profit des secteurs et des métiers qui ont moins de difficultés de recrutement.
Ce qui est certain est que le développement de l’alternance de ces deux dernières années a moins concerné les secteurs ayant les plus grandes difficultés de recrutement, et que dans les années à venir, si ces difficultés ne sont pas réduites, on peut craindre un recul de l’alternance, de l’apprentissage comme des formations professionnelles des filières. Le processus enclenché est extrêmement préoccupant.
Et sans évoquer les grands besoins d’acquisition de compétences des entreprises pour mener leur transition énergétique et environnementale…

Le 15 octobre 2022, Hugues JURICIC
h.juricic@outlook.fr

Réforme de la retraite et chômage

Quel effet peut avoir l’allongement de l’âge de départ à la retraite sur le chômage des seniors ?

Télécharger : Évolution du chômage et allongement de l’âge de départ à la retraite

L’analyse des séries longues du taux de chômage peut nous donner une réponse. Mais pour ce faire, il est nécessaire de comprendre quelle est la relation entre le chômage et le niveau d’activité de la population, et comment cela évolue. Autrement dit, il s’agit de voir si l’augmentation de la population active qui serait due au départ à la retraite plus tardif va nécessairement se traduire par une augmentation du chômage des travailleurs les plus âgés.

Évolution du taux d’activité différent pour les hommes et pour les femmes

Tout d’abord précisons la définition de population active : une personne active a un emploi (déclaré), salarié ou non salarié, ou est au chômage, à la recherche d’un emploi. Toute la population en âge de travailler n’est pas active et ce taux d’activité évolue.
Ainsi le taux d’activité de la population en âge de travailler (plus de 15 ans) évolue et est différent pour les femmes ou les hommes.


Source : Insee, enquête Emploi

De 83,6% en 1975, le taux d’activité passe à 75,3% en 2019 pour les hommes, une évolution à la baisse sur le long terme, principalement due à l’entrée dans le monde du travail qui se fait de plus en plus tard du fait de l’allongement des études concurremment à une difficulté accrue pour les jeunes peu qualifiés pour trouver un premier emploi.
Pour les femmes, en revanche l’évolution est à la hausse, le taux d’activité passant de 52,7% en 1975 à 68,2% en 2019. En dépit du fait que l’entrée plus tardif dans le monde du travail a eu le même effet à la baisse pour les femmes que pour les hommes, l’activité des femmes a globalement augmenté, et cela correspond à un changement de la place des femmes dans la société où elles sont conduites à avoir un emploi comme les hommes. Cela conduit ainsi à avoir un taux d’activité qui tend à être similaire pour les hommes et les femmes.
Notons que l’on peut observer l’effet de l’avancement de l’âge de la retraite à 60 ans décidé en 1981, avec une baisse un peu accentuée du taux d’activité qui passe de 82,9% en 1980 à 78,4% en 1984, soit une baisse de près de 1% par an contre une baisse de 0,15% toutes les années suivantes.
L’effet se ressent aussi pour les femmes dont le taux d’activité est resté constant entre 1980 et 1984, alors que la hausse est relativement constante à +0,35% toutes les années suivantes.
L’effet est évidemment plus fort pour les hommes car le taux d’activité de la classe d’âge 60-65 ans des femmes étaient beaucoup plus faible que celui des hommes.

Évolution du taux d’activité et de chômage des jeunes de 15-24 ans

Un focus sur la classe d’âge 15-24 ans montre très nettement la forte diminution du taux d’activité de la classe d’âge 15-24 ans entre 1982 et 1997, dont la cause principale est due à l’allongement de la durée des études qui correspond à une entrée plus tardive dans la vie active. On constate une légère remontée du taux d’activité des jeunes après 1997 jusqu’en 2009 qui correspond à une légère amélioration de l’emploi qui se traduit même par une même légère baisse du taux de chômage durant cette période pour remonter après, à un niveau élevé jusqu’en 2017. Cette remontée du chômage des jeunes peut expliquer la légère diminution du taux d’activité entre 2009 et 2017, les difficultés pour trouver un premier emploi, tout particulièrement pour les bas niveaux de qualification, pouvant conduite à prolonger les études, voire à reprendre les études.


Source : Insee, enquête Emploi

Le taux de chômage moyen de l’ensemble des actifs et celui de la classe 15-24 ans n’évoluent pas de façon identique. L’évolution du taux d’activité peut jouer un rôle amplificateur ou au contraire atténuateur. Ainsi entre 1984 et 1990, le taux de chômage moyen tend à augmenter alors qu’il diminue pour les 15-24 ans, du fait même de la forte diminution du taux d’activité des jeunes. En revanche les années suivantes l’évolution du chômage moyen est amplifiée pour les 15-24 ans, à la hausse ou à la baisse car le taux d’activité est devenu relativement stable.

Évolution du taux d’activité et de chômage de l’ensemble de la population

Revenons à l’analyse de l’évolution du taux d’activité et du taux de chômage en restreignant la période d’analyse entre 2010 et 2021, dans 1er temps pour la population dans son ensemble puis en focalisant sur la classe d’âge 60-64 ans pour tenter d’entrevoir l’effet d’une augmentation du taux d’activité due au recul de l’âge de la retraite.
Tout d’abord une très légère augmentation de la population en âge de travailler (15 ans et plus) jusqu’en 2019 et une légère diminution depuis.
Le taux d’activité continue à baisser depuis 2010, passant de 56,4% à 55,6%, la population active passant de 29 et 29,5 millions de personnes du fait de l’augmentation démographique.
Et depuis 2010, le volume des emplois (salariés et non-salariés) est plutôt stable, avec une légère augmentation passant de 26,3 millions à 27,3 millions en 10 ans. En conséquence le taux de chômage diminue, passant de 9,2% en 2010 et même 10,3% en 2012 pour passer à 7,5% en 2021.


Source : Insee, enquête Emploi


Source : Insee, enquête Emploi

Depuis 2010, il n’apparaît plus avoir d’effet sensible de l’allongement de la durée des études ou de l’emploi accru des femmes qui avaient été des facteurs forts de l’évolution du taux d’activité. L’effet du report de l’âge de la retraite ainsi que de la durée de cotisations est peut-être visible dans le fait que la population active demeure constante alors que la population en âge de travailler diminue, ce qui induit une légère augmentation du taux d’activité.

Évolution du taux d’activité et de chômage de la classe d’âge 60-64 ans


Source : Insee, enquête Emploi

Le taux d’activité des plus de 60 ans après avoir structurellement baissé depuis la fin des années 60 pour atteindre un gros dans les années 90, tend à remonter pour retrouver un niveau d’activité des années 70, les hommes et les femmes étant devenus égaux face à l’emploi.
Depuis 2010, l’augmentation de près de 750 000 personnes actives pour la classe d’âge 60-64 ans peut être imputable au passage de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans, même si cette augmentation s’inscrit dans une tendance plus structurelle ayant démarrée à partir de 2000.


Source : Insee, enquête Emploi

L’augmentation de la population active des 60-64 ans ne s’est pas traduit pas un chômage accru, de même que la population active globale a à peine augmenté.


Source : Insee, enquête Emploi

Alors que le taux d’activité de la classe d’âge 60-64 ans a quasiment doublé en 10 ans, le taux de chômage a peu augmenté, passant seulement de 5 à 7% de 2010 à 2015 puis en restant stable après. Le taux de chômage reste inférieur à la moyenne générale.

Evolution de l’activité des 55-59 ans pour estimer la population active de 60-64 ans de demain


Source : Insee, enquête Emploi

Le taux d’activité de la classe d’âge des 55-59 ans semble arrivé à un niveau maximum, de 80% pour les hommes, et 75% pour les femmes, soit 77,5% pour l’ensemble de la population.
Cela donne un effectif de population active stabilisé à 3,3 millions de personnes, réparti de façon égale entre les hommes et les femmes, ce qui correspond à un effectif de 660 000 actifs pour une classe d’âge annuelle, sans doute avec une décroissance entre 55 et 59 ans. En première approximation, on peut considérer que le nombre d’actifs entrant dans la classe d’âge des 60-64 ans est d’environ 650.000 actifs.


Source : Insee, enquête Emploi

Le départ à la retraite plus tardif peut-il se traduire par une augmentation du chômage ?

Comme vu ci-dessus le départ à la retraite plus tardif depuis 2010 s’est traduit par une augmentation de la population active des 60-64 ans d’environ 750 000 personnes (correspondant donc à plus d’un an de report de l’âge de départ à la retraite. Si l’on prend l’évolution de la population active des 60-64 ans, le nombre des actifs augmente depuis les années 2000, étant passé de 0,28 millions à 1,43 millions d’actifs, soit une augmentation d’environ 1,15 million qui ne peut être imputable aux règles de départ à la retraite.


Source : Insee, enquête Emploi

En tout état de cause, même si l’augmentation de 750 000 actifs serait imputable à l’allongement de l’âge du départ à la retraite, cette augmentation n’a pas provoqué un chômage accru des plus actifs les plus âgés ou d’un chômage accru des plus jeunes.
Soulignons aussi que le taux de chômage des actifs âgés de 7% est inférieur à la moyenne, le chômage étant surtout plus important chez les jeunes.
Dans le même esprit, on ne peut pas affirmer que l’augmentation de l’emploi des actifs âgés auraient pour conséquence un moindre emploi de jeunes actifs. Jusqu’en 2016, le taux de chômage des jeunes a effectivement augmenté, mais dans une proportion identique à celle du taux de chômage des actifs âgés. Et depuis 2017, le taux de chômage des jeunes a particulièrement diminué alors que celui des plus âgés est resté stable.
En conclusion, peut-on imaginer quel pourrait être les effets d’un report de l’âge de départ à la retraite d’un an par exemple sur le chômage ?
Dit autrement, quel effet du maintien sur le marché du travail de 650 000 actifs correspondant au report d’un an de l’âge de départ à la retraite ?
L’évolution de la dernière décennie indique que la question est de voir comment va évoluer le nombre global des actifs en regard du volume global des emplois, en n’oubliant pas qu’il s’agit là de trouver une adéquation entre offre et demande.

L’augmentation du nombre des actifs âgés peut-il être finalement une réponse aux difficultés croissantes de recrutement ?

D’une part le volume global des emplois est tendanciellement en légère hausse, et d’autre part le nombre des actifs toute classe d’âge confondue a tendance à être en légère baisse. Le taux d’occupation des femmes semble avoir effectué son rattrapage vis-à-vis des hommes, le taux d’occupation des 15-24 ans semble avoir stoppé sa baisse mais l’effectif des jeunes arrivant sur le marché du travail a tendance à diminuer. Aussi il apparaît que le nombre de chômeurs devra diminuer drastiquement pour permettre d’occuper tous les emplois offerts. Or alors que le taux de chômage diminue aux alentours de 7%, les difficultés de recrutement s’amplifient très fortement, d’autant plus que les besoins de main d’œuvre ne cessent d’augmenter.
L’enquête des besoins de main d’œuvre réalisé de façon récurrente par Pole Emploi, indique que les secteurs publics et privés ont des projets de recrutement qui ont beaucoup augmenté depuis 2017, passant grosso-modo de 2 000 000 à 3 000 000.


Source : Pole Emploi – enquête BMO

Évidemment la Covid a eu un effet de ralentissement de la tendance à la hausse mais de façon finalement modérée.
Il ne faut pas traduire l’évolution à la hausse du nombre de projets de recrutement par une augmentation équivalente de l’emploi, pour plusieurs raisons : il n’est pas compté ici l’emploi non salarié ; tous les projets de recrutement n’aboutissent pas sur un emploi ; de nombreux projets correspondent à des CDD, notamment de saisonniers ; beaucoup de recrutements correspondent à du remplacement ; et puis de façon globale au niveau de l’économie, il y aussi des pertes d’emploi qui peuvent être parfois en nombre supérieur aux créations d’emploi.
Toutefois une augmentation des besoins des projets de recrutement en si grand nombre indique une relative augmentation du volume global des emplois, à la condition que les offres d’emploi puissent être satisfaites. Or les difficultés de recrutement ont considérablement augmenté. La part des projets déclarés comme difficiles par les recruteurs est passé de 38% pour 2017 à près de 58% pour 2021. Les projets difficiles sont ainsi passés de 800 000 en 2017 à 1 800 000 en 2021, soit 1 000 000 de projets difficiles supplémentaires qu’il va être difficile pourvoir.


Source : Pole Emploi – enquête BMO

Ainsi alors que le nombre de demandeurs d’emploi tend à diminuer, le nombre de poste à pourvoir tend à fortement augmenter. De nombreux facteurs sont à l’œuvre, l’analyse plus fine indique que les difficultés de recrutement touchent dorénavant tous les secteurs et se généralisent à tous les métiers. Il y a bien entendu des secteurs plus touchés que d’autres, et des métiers plus concernés que d’autres. Parmi ces facteurs, on peut évoquer les problèmes de mobilité des demandeurs d’emploi mais aussi d’attractivité des métiers ou des entreprises, sans oublier le défaut de qualification ou d’employabilité des demandeurs d’emploi, en particulier des plus jeunes mais pas seulement.
La conséquence pour notre problématique, est que l’emploi des seniors est souvent vu par les entreprises comme une réelle solution à leur difficulté de recrutement, cela étant bien entendu à mettre en regard à l’aménagement des postes et des missions, surtout pour les métiers les plus usant.
L’ampleur des difficultés de recrutement qui en est arrivé au point où elles constituent un des facteurs de la récession économique au même titre que l’augmentation du coût des intrants.
Aussi il apparaît évident que face à 1 800 000 de postes difficiles à pourvoir, il y aura possibilité de maintenir en emploi les éventuels 650 000 actifs supplémentaires induits par le report d’un 1 an de report de départ à la retraite. Et cela pourra se faire sans empêcher des jeunes à trouver un emploi. Il se pourrait même que le développement du mentorat et tutorat permette à la fois de professionnaliser les jeunes (apprentissage, transfert du savoir) en donnant de nouvelles missions aux plus anciens avant qu’ils ne quittent l’entreprise.
Le maintien dans l’emploi des seniors ne peut évidemment pas être la seule solution. Il s’agit sans doute aussi d’améliorer l’accès à l’emploi des jeunes, en particulier des jeunes peu qualifiés. Il s’agit aussi d’intégrer des actifs immigrés, qu’ils viennent d’Ukraine, des pays de l’Est de l’Europe, d’Afrique du Nord, de l’Ouest ou du Moyen-Orient.
Dans tous les cas, que cela soit l’emploi des seniors ou des jeunes peu qualifiés ou des immigrés, il importe d’accompagner d’urgence à les entreprises, notamment les plus petites, dans l’investissement en ressources humaines qu’elles doivent nécessairement faire alors qu’elles font face à de grand défis économiques, techniques et environnementaux, alors que les ressources financières sont réduites du fait de l’inflation, de la réduction des marges et aussi de la grande difficulté à recourir à l’emprunt bancaire.
On ne peut pas réfléchir à la réforme de la retraite sans prendre en considération que le monde est en profonde mutation, dont le Covid, la guerre en Ukraine ou l’augmentation du prix de l’énergie ne sont finalement que des symptômes.

Et très certainement, notre système de retraite est à réformer, pour permettre aux seniors de rester actifs et de participer à la mutation formidable de la société et sans doute aussi éviter d’augmenter les prélèvements obligatoires (sociaux et fiscaux) qui seraient inévitables pour garantir un niveau de retraite décent à nos aînés sans parler des besoins d’investissement et d’emploi pour la prise en charge de la dépendance en fin de vie.

Hugues JURICIC

 

 

 

 

 

Bilan du SRFSS d’Ile-de-France en question

Le bilan du SRFSS 2016-2022 en question en regard des données chiffrées de l’emploi et de la formation en Ile-de-France
Note de Hugues JURICIC Conseil du 10 décembre 2021

Les axes/objectifs du SRFSS Schéma Régional des Formations Sanitaires et Sociales 2016-2022 du Conseil régional d’Ile de France sont :
–  Connaître et faire connaître les métiers et formations sanitaires et sociales
–  Adapter la carte des formations aux besoins en emploi des territoires
–  Améliorer la gestion des centres de formation, développer la qualité de la formation, l’innovation et la recherche
–  Soutenir les publics en formation.
Tous visent à répondre à l’enjeu principal qui est d’avoir un dispositif régional de formation aux certifications et diplômes du secteur sanitaire, social et médicosocial qui alimentent en nombre et qualité satisfaisante le secteur régional sanitaire et social.
Pour ce faire, il s’agit d’avoir une carte des formations en adéquation avec les besoins mais aussi de favoriser l’orientation des jeunes dans les différentes sections de formation, de soutenir les élèves et étudiants pendant leur formation, et d’aider les centres de formation à développer la qualité de la formation.
Les moyens mobilisés par la Région et la gouvernance mise en œuvre ont-ils permis d’atteindre l’objectif de bonne adéquation de la carte des formations ?
Y a-t-il eu in fine suffisamment de diplômés entrant sur le marché du travail pour satisfaire les besoins de recrutement dans les différents métiers ?
Le contexte socioéconomique a évolué depuis 2015 au moment où le SRFSS 2016-2020 a été élaboré. Les objectifs prévus pour les différentes certifications ont-ils pertinents ? Et en particulier, comment la covid a-t-elle impacté les besoins en recrutement d’un côté et le flux des entrants dans les formations de l’autre côté ?
Et puis au niveau des territoires infrarégionaux, n’y-a-t-il pas des déficits particuliers tant au niveau des recrutements dans les filières de formation que dans les recrutements dans les établissements sanitaires et sociaux ? Ces déficits étant accentués par un turnover des personnels particulièrement élevé ? N’y a-t-il pas à cet égard à aider certains territoires et certains établissements particulièrement peu attractifs (multiples difficultés à avoir des stagiaires, à recruter puis à fidéliser) ? Comment le SRFSS pourrait-il aider à résoudre ces difficultés (logement, transport, financement de la formation contre engagement à rester dans l’établissement quelques années….) ?

L’offre de formation financée par la Région est conséquente :
Secteur sanitaire: 77 organismes de formation pour 151 formations certifiantes concernant 12 métiers.
Secteur social: 30 organismes de formation pour 72 formations certifiantes concernant 9 métiers
En sus du dispositif de formation, un programme complémentaire relevant de la formation continue finance 33 organismes de formation pour 45 formations financées (20 formations Aide-soignant et 25 formations Auxiliaire de puériculture).

Ce dispositif semble conséquent à même de former les quelques 16000 diplômés chaque année, 12000 dans le secteur sanitaire et 4000 dans le secteur social. La couverture territoriale au niveau infrarégional est-elle néanmoins satisfaisante ? sachant que la mobilité pour les premiers niveaux de qualification peut être très limitée, rarement au-delà du département ?

Les objectifs du SRFSS étaient de diminuer les effectifs des formations du secteur social, au motif qu’il n’y avait pas de difficultés de recrutement dans le secteur, à l’exception des métiers de la petites enfance (DEJE éducateur jeune enfance) et de la dépendance (DEAVS). En 2019 (à vérifier en 2020 et 2021) le nombre annuel de diplômés est bien en diminution pour tous les métiers, les objectifs d’évolution à hausse ne sont donc pas atteints pour la petite enfance et la dépendance. Et pourtant, les difficultés de recrutement dans ces métiers sont très fortes et cela depuis de nombreuses années. Notons que le service aux personnes dépendantes n’exige pas pour la très grande majorité des employés d’être diplômée. En revanche pour la petite enfance, le personnel doit être certifié, ce qui peut rendre le marché de l’emploi particulièrement tendu.
Pour le secteur sanitaire, les objectifs étaient d’augmenter les effectifs pour tous les métiers (rééducation, petite enfance, dépendance), sauf pour le métier d’infirmier qu’il s’agissait de stabiliser. Force est de constater que l’évolution du nombre des diplômés est plutôt à la stabilité voire à la diminution, en particulier pour les aides-soignants dont les difficultés de recrutement sont particulièrement fortes et en augmentation.

L’enquête BMO permet de mesurer les besoins de main d’œuvre exprimés à 6 mois ainsi que les difficultés de recrutement anticipées pour la plupart des métiers (200 métiers PCS Professions et Catégories Socioprofessionnelles). Le volume des recrutements ne se réalise pas forcément puisque ce sont des projets et qu’il est anticipé des difficultés de recrutements. Néanmoins l’évolution annuelle reflète plutôt fidèlement la réalité du marché du travail. Ainsi il apparaît clairement que le besoin de main d’œuvre ne cesse d’augmenter pour les différents métiers du sanitaire et social. Cela ne signifie pas que le volume des emplois augmente, mais que le turn-over augmente et que le nombre des postes non pourvues (et donc restant à pourvoir) s’accroît également. Et corrélativement, dans un jeu de causalité réciproque, les difficultés de recrutement augmentent.
Il serait intéressant de descendre au niveau du bassin d’emploi (territoires intrarégionaux) mais l’exercice est délicat en Ile de France tant est particulièrement complexe le système de la mobilité et de la perception de la distance entre lieu de résidence (là où le revenu du foyer permet d’habiter), le lieu du centre de formation puis le lieu de travail.
L’enquête BMO indique des difficultés de recrutement qui sont pour l’ensemble des métiers spécifiques du secteur sanitaire et social particulièrement élevé (en moyenne supérieur à 50% des projets d’embauche) avec une sensible augmentation depuis 2019, sans que la crise de la Covid semble avoir un effet particulier. La tendance lourde était déjà à l’œuvre, et la réalité dans certains territoires et certains métiers (aide à domicile, aide-soignant, infirmier notamment) doit être particulièrement très difficilement, au point d’ailleurs d’être ingérable, ce qui génère un poste vacant important et une suractivité des salariés en poste, allant jusqu’au point de rupture.
Tous les métiers n’ont pas les mêmes difficultés. Et il apparaît des variations annuelles qu’il faut relativiser. Mais globalement, comme tout le monde s’accorde à le dire, la tendance est haussière et les difficultés de difficultés sont à un haut niveau. Toutefois c’est tendance et les tensions sur le marché de l’emploi sont générales, dans tous les secteurs et toutes les régions.
Le turn-over qui est calculé à partir des données de la DADS 2016 correspond au flux moyen des entrées-sorties rapporté à l’effectif moyen en début et fin d’année.
Ce turn-over de 21% (17% pour le sanitaire et 26% pour le social) est particulièrement élevé. Il indique l’ampleur des départs (maladie, démission) mais aussi une forte instabilité des salariés qui ne restent pas longtemps dans un même établissement (un turn-over de 20% correspond à une ancienneté moyenne de 5 ans).

Le turn-over élevé alors que les difficultés de recrutement sont importantes indiquent que le secteur sanitaire et social est en grave crise, car il est dorénavant difficile d’enclencher une dynamique vertueuse pour enrayer le phénomène. Ce phénomène est même gravissime dans certains territoires intrarégionaux, soit parce que l’exercice du métier y est plus difficile, soit parce qu’il est difficile pour le personnel d’y habiter, car souvent trop cher, ce qui ajoute aux conditions de travail des temps de transport particulièrement long, parfois tôt ou tard dans la journée quand la fréquence des transports (et la sécurité) est moindre. Il devient alors encore plus difficile de recruter, ce qui en conséquence conduit à surcharger le personnel en place qui n’en peut plus, fait augmenter les départs pour maladie ou démission. L’attractivité des établissements et des métiers dans ces territoires s’en trouvent d’autant dégradée, ce qui accentue les difficultés de recrutement.
Il sera vain de chercher une bonne adéquation de l’offre de formation au niveau régional sans s’attaquer aux situations d’emploi les plus dégradées.

La recherche de la bonne adéquation de l’offre de formation au niveau régional ne peut passer pas le seul ajustement du nombre de diplômés dans les différents métiers. Elle nécessite de mieux raccorder les personnes en formation avec les établissements et les territoires ayant le plus grands besoins de recrutement, de les orienter et les inciter à y venir travailler au sortir de leur formation. Cela peut se faire de plusieurs façons, les différentes modalités pouvant se conjuguer. Et il ne s’agit en aucun cas d’un problème de communication. Il pourrait s’agir de faciliter les stages pendant la période de formation pour faire connaître les métiers et les établissements, en s’assurant que les établissements puissent faire un accueil valorisant des stagiaires de façon à leur donner envie d’y travailler par la suite. Il pourrait aussi s’agir de favoriser la première embauche (2 ou 3 ans) dans tous les établissements publics et privés qui peinent à recruter avec par exemple des primes en complément de revenu et surtout trouver des facilités de logement. Le développement de l’apprentissage n’est pas nécessairement une solution dans la mesure où cela réduit la possibilité de faire découvrir la palette la plus large de situation de travail, à moins d’organiser l’alternance de façon à faire tourner l’apprenti sur plusieurs postes au cours de sa formation, comme cela se fait de façon usuelle pour les stages dans les formations du sanitaire et du social. On peut imaginer qu’un ou deux stages puissent être réalisés au sein de l’établissement avec qui le stagiaire passerait un contrat avec promesse d’embauche pour 2 ou 3 ans une fois diplômé, avec une rémunération pendant la formation, une prime à l’embauche et des facilités pour trouver un logement à loyer modéré, éventuellement disponible dès le début de la formation.

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Plan de relance et développement de l’alternance

Formidable soutien du Plan France Relance au développement de l’alternance

Cet article se base sur les résultats de l’évaluation du Plan France Relance de France Stratégie (Rapport d’évaluation d’octobre 2021, chapitre 7 relatif au « Plan 1 jeune 1 solution ») et de données de la DARES.
Rapport à télécharger : fs-2021-rapport-evaluation-plan_france_relance-octobre – Chap 7 Plan 1 jeune 1 solution
Article à télécharger : Développement Alternance Plan Relance

Le plan « 1 jeune 1 solution » a pour objectif d’éviter que la crise sanitaire ne conduise à de fortes augmentations des situations d’exclusion et de précarité des jeunes.
Lancé en juillet 2020 au sortir du premier confinement, au moment où l’on a commencé à comprendre que la crise sanitaire se doublait d’une grave crise économique et sociale. Et les jeunes ont été identifiés comme particulièrement vulnérables en période de difficultés économiques, avec une sensibilité de l’emploi des jeunes particulièrement forte, en partie du fait de la plus grande précarité de leurs contrats de travail. Il s’agissait donc d’aider à leur meilleure intégration dans le monde du travail, précisément pour diminuer l’exclusion et la précarité.
Le plan « 1 jeune 1 solution » vise donc à compléter les mesures de soutien à l’emploi, de formation et de lutte contre la précarité en direction des jeunes quel que soit leur profil, qu’ils soient étudiants, en recherche d’un premier emploi ou inactifs.
Le plan est articulé autour de trois grandes priorités :
‒ faciliter l’entrée des jeunes sur le marché du travail,
‒ accompagner les jeunes éloignés de l’emploi,
‒ orienter et former les jeunes.

La première priorité est de faciliter l’entrée des jeunes sur le marché du travail, principalement par des aides à l’embauche et à l’entrée en alternance, avec un objectif ambitieux d’aider à l’embauche de 1,5 million de jeunes pour un coût de 7,6 Md€ :
– une aide à l’embauche sur des périodes allongées de jeunes de moins de 26 ans : 1,1 Md€ pour 450 000 jeunes
– une aide massivement accrue à l’alternance qui apparaît la modalité d’intégration dans l’emploi la plus solide, tout en permettant aux entreprises d’acquérir de nouvelles compétences : pour l’apprentissage 5,1 Md€ pour 820 000 jeunes et pour le contrat de professionnalisation 0,8 Md€ pour 132 000 jeunes
– un financement supplémentaire pour le service civique : 0,6 Md€ pour 100 000 jeunes.

La deuxième priorité est d’accompagner les jeunes éloignés de l’emploi, grâce à de nouveaux financements apportés à des dispositifs préexistants : environ 500 000 parcours d’accompagnement supplémentaires au titre des principaux dispositifs (Pôle emploi et missions locales principalement), pour un coût estimé à 1,3 Md€.

La troisième priorité est d’améliorer l’orientation et la formation des jeunes : sur le cadre fourni par le Plan d’investissement dans les compétences (PIC) mis en oeuvre pour la période 2018-2022. L’objectif est d’ouvrir plus de 300 000 places supplémentaires pour orienter et de former les jeunes aux secteurs et métiers jugés d’avenir mais aussi de lutter contre le décrochage scolaire, pour un montant de 1,4 Md€.

A la fin septembre 2021, au moins 2,1 millions d’aides ou d’entrées dans des parcours d’accompagnement ou de formation sont comptabilisés :
– 1,4 million d’embauches aidées : 0,58 au titre de l’AEJ, 0,77 au titre de l’aide à l’apprentissage,0,08 au titre de l’aide aux contrats de professionnalisation
– 0,62 million de parcours d’accompagnement- 0,22 million d’entrées en parcours de formation PIC

Les aides exceptionnelles à l’alternance prévues dans le cadre du plan « 1 jeune 1 solution » interviennent dans le contexte de la réforme de l’apprentissage intervenue en 2018 et d’une progression constante de ces contrats ces dernières années. Dès 2019, le nombre de nouveaux contrats d’apprentissage signés par des jeunes de moins de 26 ans a ainsi progressé de 44 000 par rapport à 2018, soit +15 %. Dans le même temps, les entrées en contrats de professionnalisation ont reculé (-17 000 soit -10 %), portant l’évolution des entrées en alternance (apprentissage et contrat de professionnalisation confondus) chez les moins de 26 ans à +26 000 en 2019, soit +6 %.
L’accélération de cette bascule du contrat de professionnalisation vers l’apprentissage en 2020 pourrait en partie s’expliquer par le fait que les aides exceptionnelles mises en œuvre dans le cadre du plan « 1 jeune 1 solution » n’ont pas fait disparaître la différence de coût employeur pour les entreprises en faveur de l’apprentissage.
L’aide exceptionnelle réduirait fortement le coût de la première année de travail d’un apprenti, qui serait inférieur à 500 euros pour un apprenti de moins de 21 ans, quels que soient la taille de l’entreprise et le niveau de diplôme préparé.
L’aide exceptionnelle réduirait également le coût d’une première année d’un contrat de professionnalisation pour un jeune de 18 à 20 ans préparant un diplôme de niveau Bac ou inférieur de plus de 10 000 euros à près de 2 500 euros. Celui-ci resterait cependant supérieur en moyenne au coût employeur d’un contrat d’apprentissage. Ce qui expliquerait en partie pourquoi le recours à l’apprentissage serait préféré à la professionnalisation.
Le régime exceptionnel des aides à alternance prévu par le plan « 1 jeune 1 solution » a pu contribuer à accélérer cette tendance. En effet, il est plus favorable pour les contrats du supérieur jusqu’à Bac +5 qui peuvent bénéficier de l’aide exceptionnelle alors qu’ils n’étaient pas éligible à l’aide unique (sauf jusqu’à Bac +2 dans les DROM). Ainsi, la part du surcroît des aides augmente avec le niveau de la formation de l’alternant ; 71 % du surcroît est versé à des contrats d’alternance post-Bac, qui ne pouvaient pas bénéficier de l’aide unique.
La littérature économique indique que le développement de l’alternance explique une part assez importante des différences de taux de chômage chez les jeunes1. Pour autant, le fort recours à l’alternance par des jeunes déjà qualifiés du supérieur pourrait limiter le rôle de protection contre le chômage de ce dispositif. En effet, les jeunes diplômés du supérieur sont les moins exposés au chômage : le taux de chômage avant-crise des diplômés d’un Bac +3 ou plus est de 8,9 % contre 17,0 % et 24,0 % pour les jeunes titulaires au plus d’un diplôme de niveau Bac ou CAP-BEP.
En outre, certains travaux académiques mettent en avant un bénéfice limité dans le supérieur du passage en apprentissage, par rapport à une formation comparable par la voie scolaire. En moyenne, les taux d’insertion apparaissent certes meilleurs pour les apprentis que pour ceux ayant obtenu le même niveau de formation par la voie scolaire.
Cependant, une fois les effets de sélection neutralisés, les étudiants ayant préparé un diplôme du supérieur par l’apprentissage ne connaissent pas une meilleure insertion sur le marché du travail. Ce résultat est également valable dans le cas allemand. En analyse causale, seul l’apprentissage dans le secondaire a un effet positif sur l’insertion sur le marché du travail, en termes d’évitement du chômage, sans effet sur le niveau de salaire.
Le soutien de l’apprentissage dans le supérieur pourrait avoir des effets indirects, en favorisant l’accès de jeunes de milieu peu favorisé à des formations longues, parfois coûteuses. De fait, les apprentis du supérieur, particulièrement lorsqu’ils sont élèves de grandes écoles, sont d’origine sociale plus modeste que leurs camarades de la voie scolaire. Cependant, cet objectif semble différent de celui visé par le plan « 1 jeune 1 solution » d’amélioration de l’insertion professionnelle des apprentis.

Estimation des nouveaux contrats en 2020 et 2021 pour les moins de 26 ans

Moins de 26 ans 2020 Appren-tissage Contrats aidés 2020 2020 Contrat pro Contrats aidés 2020 2021 Appren-tissage Contrats aidés 2021 2021 Contrat pro Contrats aidés 2021
1er sem. 10 000  – 22 000 60 000 55 000 15 000 13 000
3ème tr. 380 000 345 000 34 000 30 000 300 000 270 000 40 000 35 000
4ème tr. 100 000 90 000 14 000 12 000 90 000 80 000 15 000 13 000
TOTAL 490 000 445 000 70 000 42 000 450 000 405 000 70 000 63 000
+ 26 ans 30 000 43 000

Source DARES – traitement HJC
Hypothèse de taux couverture de l’aide : 92% apprentissage et 88% contrat pro
Hypothèse des contractualisation au 4ème trimestre : 20% des contrats annuels
Les volumes extrapolés sont en italique.
L’estimation table sur une concomitance entre l’engagement de l’aide et le début du contrat. Il est vraisemblable qu’il y ait un certain glissement. Ce qu’indique le volume des aides pour l’apprentissage au 1er semestre 2021 correspondant à 60 000 contrats. Il est possible que l’aide ait pu conduire à faire débuter des contrats plus tôt que d’habitude, mais cette anticipation induite par l’aide ne compte sans doute pas pour 60 000 contrats.

L’extrapolation des résultats à fin septembre indique bien la forte utilisation de l’aide à l’apprentissage qui a été constaté en 2020. Mais en revanche il ne semble pas que le volume des contrats d’apprentissage soit en augmentation comme il l’a été en 2020 par rapport à 2019, compte en tenu du volume d’aide donné à fin septembre alors que le gros des contrats (plus de 80%) a été réalisé. En se fiant au volume d’aide imputable aux 3 premiers trimestres de 2021, à savoir 770 000 contrats aidés à fin septembre auxquels il faut déduire 445 000 contrats aidés imputables à 2020, soit 325 000 aides, on peut estimer un volume d’aides d’environ 405 000 en tablant sur un surcroît de 20% pour le 4ème trimestre. Cela conduit à estimer le volume des contrats d’apprentissage (pour les moins de 26 ans) à environ 450 000 contrats. Ce qui constituerait une baisse de 10% par rapport à 2020. Si le volume d’aide à fin septembre s’avère sous-estimé dans le rapport d’évaluation, il sera possible de revoir à la hausse, le volume des contrats. Mais cette réévaluation sera-t-elle suffisante pour tabler sur une augmentation de l’apprentissage ?
Pour les contrats pro, la même extrapolation avec les mêmes hypothèses et incertitudes, indique que le volume des contrats pro serait au même niveau qu’en 2020. Si l’on table sur une réévaluation de même ordre que pour l’apprentissage, on peut espérer une augmentation des contrats de professionnalisation. Il semble en tout cas, que la baisse constatée depuis quelques années soit stoppée.

Doit-on conclure qu’il y a en 2021 un certain rééquilibrage entre apprentissage et contrat pro ? Il est évidemment trop tôt de conclure quoi que ce soit de solide à ce stade.
Il demeure que les résultats à fin septembre après le formidable démarrage de l’aide exceptionnelle de l’apprentissage qui avait conduit à réviser fortement à la hausse le budget du plan « 1 jeune, 1 solution » et à prolonger le dispositif, indiquent en 2021 un relatif ralentissement du développement de l’apprentissage et une relative reprise des contrats de professionnalisation.
En tout état de cause, l’objectif de 820 000 jeunes aidés à fin décembre 2020 en apprentissage sera vraisemblablement dépassé à fin 2021 pour atteindre 850 000 contrats aidés et l’objectif de 132 000 en contrat de professionnalisation, sera vraisemblablement presque atteint avec 110 000 contrats aidés.
Pris ensemble l’objectif de 950 000 jeunes aidés devrait être atteint avec 960 000 contrats aidés au total. Il pourrait même être bien dépassé si l’on considère le décalage entre la contractualisation et l’engagement de l’aide qui pourrait représenter quelques dizaines de milliers de contrats.

Pour conclure, doit-on déduire que le plan de relance a permis de développer l’alternance ? Difficile à dire car au final l’évolution du nombre des contrats en alternance est dans la continuité de ce que l’on a constaté depuis 2017-18.
En revanche, le Plan de Relance avec sa déclinaison « 1 jeune 1 solution » a permis de soutenir le développement de l’alternance dans un contexte économique dépressif et d’avoir pu passer le cap de la crise sanitaire. Les conclusions seront identiques pour les autres dispositifs soutenus comme l’accompagnement des jeunes ou les formations pour les métiers en tension.
En ce sens, le Plan de Relance a pleinement joué son rôle en « limitant la casse » et en particulier l’exclusion et la précarité des jeunes. Il a sans doute permis également de maintenir, voire renforcer les dispositifs d’orientation, de formation et d’accompagnement. Mais il n’a pas résolu la question protéiforme de l’acquisition des compétences, de la professionnalisation et de l’intégration des entrants sur les marchés du travail, ou de la question des difficultés de recrutement et du développement des compétences que vivent les entreprises dans de si nombreux secteurs économiques. Mais était-ce le rôle du Plan de Relance ?
Ce qui est à craindre finalement est le fait que la plus grosse partie de l’aide du Plan « 1 jeune 1 solution » ait été accaparée par l’apprentissage, ce qui a conforté les centres de formation d’apprentissage dans leurs pratiques « d’avant », et ne l’a pas incité à évoluer comme la réforme de la formation de 2018 les y invite, évolution pourtant nécessaire pour développer l’alternance en répondant mieux (de façon plus SMART) aux besoins des entreprises, des plus petites aux plus grandes, pour faciliter l’intégration et la professionnalisation des demandeurs d’emploi dans leur diversité de situation d’employabilité, jeunes et moins jeunes, ce qui permettrait de résoudre autant faire que se peut les difficultés de recrutement des entreprises.

Hugues JURICIC, novembre 2021, Givry (71)

Télécharger l’article incluant les données et graphiques :
Développement Alternance Plan Relance

Rapport du GIEC 2021 : le chapitre 6 et le projet Grignon 2026

Le dernier rapport du GIEC (2021) est remarquable, et bien inquiétant.
Il est particulièrement solide d’un point de vue scientifique. Il n’est plus l’heure d’essayer de nier les faits et de chercher à décrédibiliser le thermomètre lorsque la température indiquée ne nous plaît pas.
En particulier pour ce qui me concerne, l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, le chapitre 6 du rapport est particulièrement instructif, édifiant au bon sens du terme.
Il traite des « Liens entre la désertification, la dégradation des terres, la sécurité alimentaire et les flux de gaz à effet de serre: synergies, compromis et options d’intervention intégrée ». Tout un programme, là aussi au très bon sens du terme.
Quarante options d’action (intervention) intégrée sont passés en revue pour évaluer leur potentiel d’impact sur l’atténuation des changements climatiques, l’adaptation à ces changements, la désertification, la dégradation des terres sans oublier la nécessaire sécurité alimentaire. Les interventions sont interdépendantes. Certaines options peuvent accroître les impacts positifs mais d’autres peuvent entrer en conflit et diminuer les impacts cumulés (l’exemple le plus connu est la concurrence entre la production de bioénergie versus la production alimentaire ou la préservation des surfaces boisées).
Il est également analysé la faisabilité des options pour des raisons économiques, technologiques, institutionnels, socioculturels, environnementaux et géophysiques.
Aussi une action coordonnée est nécessaire (vitale devrait-on dire) entre un large éventail d’acteurs, y compris les entreprises, les producteurs, les consommateurs, les gestionnaires des terres (agricoles, forêt et autres espaces naturels ou verts), les populations et les communautés locales et les décideurs, afin de créer des conditions propices à l’adoption d’options d’intervention.
Le rapport souligne qu’un retard dans l’action entraînera un besoin accru de réponse aux défis fonciers et une diminution des impacts bénéfiques des interventions en raison des changements climatiques et d’autres pressions (environnementales, démographiques, sociologiques…). Et de nombreux obstacles existent, certains technologiques mais aussi économiques, institutionnels et surtout politiques comme par exemple la lutte contre la déforestation ou l’artificialisation des terres.
Le rapport reconnaît que de nombreuses options d’intervention sont mises en pratique dans de nombreuses régions depuis de nombreuses années; cependant, il y a peu de connaissances sur l’efficacité et les implications plus larges d’autres options d’intervention.
Pour ce qui nous concerne, en France, on peut dégager en première lecture plusieurs éléments :
1/ il y a très peu de scientifiques français, agronomes ou environnementalistes, cités ; Jean-François Soussana nous sauve la mise, mais l’on peut regretter que les publications de l’INRAE ou du CNRS n’aient pas contribuer au travail du GIEC sur la question de l’exploitation humaine des terres (anthropobiocène) et des interventions à mener pour améliorer son impact sur le changement climatique.
2/ Les interventions préconisées ne sont que partiellement mises en œuvre quand elles le sont, et l’on se sent particulièrement concernés par les obstacles à leur mise en œuvre tels qu’ils énumérées dans le rapport. L’obstacle majeur semble d’ailleurs non pas politique mais plutôt institutionnel, avec notre mille-feuille institutionnel et notre propension à œuvrer en « tuyau d’orgue » et en « chapelle ».
Il nous manque à l’évidence un lieu d’échange, de concertation entre toutes les parties prenantes, les entreprises, les producteurs, les consommateurs, les gestionnaires des terres, les populations et les collectivités et associations locales et les décideurs. Et que ce lieu ne soit pas franco-français comme trop souvent, mais international pour mutualiser et capitaliser les (nombreuses) expériences.
C’est précisément l’ambition du projet GRIGNON 2026. Battons-nous pour qu’il puisse voir le jour, en dépit des blocages institutionnels et politiciens.

Hugues JURICIC
27 août 2021

Pour en savoir plus aller sur le site https://grignon2000.fr/
Pour en savoir plus télécharger
Chapitre 6 GIEC 2021
Résumé Chapitre 6 GIEC 2021

Repenser la souveraineté alimentaire suite à la crise sanitaire

Webinaire organisé par Agreenium et Demeter, le 20 mai 17h30
Compte-rendu Hugues JURICIC

Jean-François Loiseau (Coop de France) : Les filières agroalimentaires se sont organisées pour faire face et répondre à la nécessité de maintenir la production et la distribution des produits agricoles, en France et à l’étranger. Cela signifie de prendre soin à tous les maillons de la chaîne, le système d’information, la logistique, la maintenance, le conseil et l’appui technique aux agriculteurs etc. avec la préoccupation de maintenir le financement alors que certaines activités étaient impactées directement pas la crise et le confinement.

Philippe Mauguin (INRAE) : L’INRAE a été finalement relativement prêt pour réduire ses activités de laboratoire et développer le télétravail. Les animaleries et le matériel végétal ont été bien entendu préservés, mais les expérimentations ont été ralenties voire stoppées. Les labos ont été mobilisés pour travailler sur le covid, avec notamment un mouvement de solidarité à destination des hôpitaux (ex. masques). Il y a beaucoup de partenariat avec les entreprises, et l’on peut se poser des questions sur l’état économique à la sortie de la crise.

Sébastien Abiss (DEMETER) : La crise a rappelé à la société que l’alimentation était un besoin vital. Il y a eu une prise de conscience que les agriculteurs et les filières agroalimentaires ont permis de garantir la sécurité alimentaire. Il est important de prendre conscience qu’en temps ordinaire le secteur agricole et alimentaire en France fonctionne bien, et aussi en temps extraordinaire. L’offre alimentaire est diversifiée, de qualité et sécurisée.
Le confinement a révélé des fractures. La précarité alimentaire s’est accentuée. Manger à la maison n’est pas toujours évident. Et à l’opposé, de nombreux consommateurs désirent manger mieux et plus diversifiés. Notons que les territoires ruraux se sont trouvés plus isolés du fait de la fracture numérique et d’une offre de service de livraison à domicile moindre. Les alimentations de qualité, made in France, risquent d’être réservé à la population la plus aisée, avec une marginalisation de la population la pauvre qui ne pourra que consommer avec moins de qualité et à prix plus abordable.

JF Loiseau : L’enjeu est de trouver un modèle de production durable qui garantisse une sécurité de l’alimentation, en qualité et quantité, respecte l’environnement et rémunère tous les acteurs de la filière. La notion de souveraineté apparaît comme excessif. L’organisation agricole et alimentaire doit permettre de produire en quantité et en qualité. On doit produire de moins en moins carboné ou chimique, mais cela ne peut s’opérer de façon abrupte et radicale. Toute la chaîne de la terre jusqu’au réfrigérateur doit être regardée. La souveraineté alimentaire ne peut être conçue comme une indépendance. Nous avons besoin d’échanger. Il s’agit de produire dans les pays tiers dans le respect des producteurs et de l’environnement. La France agricole peut être forte, résiliente et sans doute, en aucun cas, repliée sur elle-même.

Ph Manguin : La recherche va être impactée par le covid. Le développement du numérique bien entendu mais trois sujets forts de recherche émergent.
1ère thème : la zoonose. Près de 75% des maladies humaines ont une origine animale, dont 60% viennent de la faune sauvage. Il y a de ce fait un lien avec la déforestation et la régression de la biodiversité et la zoonose. Les liens devraient se resserrer entre les différents réseaux de rechercher à l’échelon mondiale.
2ème thème : la résilience des systèmes alimentaires. On a craint au début pour les circuits courts notamment. Il y a même eu quelques pénuries dues au comportement des consommateurs. Les filières se sont adaptées, des solidarités nouvelles sont apparues et les consommateurs ont réagi avec agilité. Les systèmes alimentaires ont été résilients, sans doute grâce à la multiplicité des canaux de distribution. Il faut toutefois s’inquiéter de la précarité alimentaire, en France mais aussi dans le Monde. On n’est pas aussi à l’abri d’une crise majeure de l’offre, du fait d’une pénurie de production qui ne permettrait pas répondre aux besoins alimentaires.
3ème thème : la souveraineté alimentaire. Cela ne peut se résoudre par une autarcie et un repli sur soi. Néanmoins, il faut s’assurer d’avoir les stocks et une capacité de production suffisant lors d’une crise majeure. Et cette question doit être posé à l’échelon des continents, tant en Europe qu’en Afrique. La question de l’alimentation animale est également posée, en devant regagner de l’indépendance vis-à-vis des importations comme le soja, dont la production pose de graves questions environnementales. La souveraineté alimentaire doit aussi être solidaire et durable, respectueuse de l’environnement. En particulier on doit aussi aider l’Afrique à obtenir sa souveraineté alimentaire, durable et solidaire.

S. Abyss : La souveraineté signifie pour un pays d’avoir la capacité à organiser sur son territoire avec toutes les parties prenantes la sécurité alimentaire, en période ordinaire et aussi extraordinaire. Cela signifie de préserver le système de production, avec le renouvellement des générations. La souveraineté doit aussi se concevoir à l’échelon européenne (voir la stratégie de la ferme à la fourchette qui était présentée hier à Bruxelles). La souveraineté doit aussi être solidaire à l’international. L’écosystème national, les filières, l’enseignement agronomique, la recherche, doit savoir se mobiliser pour promouvoir à l’international le modèle français de production, de recherche-développement au service de la production. En aucun cas, la souveraineté n’est un repli soi.
https://www.lopinion.fr/edition/economie/covid-19-va-t-il-faire-derailler-chaines-alimentaires-mondiales-215365

Quelques idées fortes pour l’avenir :
On ne peut pas découper les sujets : adaptation aux changements climatiques, sécurité alimentaire en quantité et qualité, transition énergétique, biodiversité, revenu des agriculteurs.
Il y a des pistes de solution. Il est possible de promouvoir un système agricole et alimentaire, durable, respectueux de l’environnement et solidaire.
Le plus grand danger du post covid est le repli nationaliste. On a plus que jamais besoin de coopération, de multilatéralisme, d’échanges au niveau planétaire tout en s’assurant, chacun à son niveau de la sécurité alimentaire.

Impact du coronavirus sur les métiers

Une étude de France Stratégie fait un premier point sur l’impact de l’épidémie sur les différentes activités économiques et plus précisément sur la plus ou moins grande vulnérabilité des différents métiers. Une typologie en cinq groupes de métiers est proposée :
Groupe 1. les métiers « vulnérables de toujours » qui conjuguent une difficulté à travailler à distance et des statuts souvent précaires (un sur cinq exerce en CDD ou en intérim). Ces 4,2 millions de travailleurs, majoritairement des hommes, artisans et ouvriers de l’industrie et du bâtiment, sont traditionnellement confrontés à des conditions de vie et de travail difficiles.
Groupe 2. Les métiers « nouveaux vulnérables »  affrontent une crise inédite liée à l’exercice même de leur métier qui les met en contact avec le public. Leurs activités sont ralenties, voire interdites, et leur statut les fragilise (31 % de contrats intermittents ou d’indépendants en solo). Ces 4,3 millions travailleurs dans les métiers du transport, de l’hôtellerie-restauration, des services aux particuliers, de l’art, de la culture et du sport, la vulnérabilité financière se double d’une incertitude sur l’avenir.
Groupe 3. Les métiers sur le « front » correspondent aux 10,4 millions de professionnels directement ou indirectement sur le « front » dont les activités apparaissent essentielles dans cette crise. Ce sont tous les métiers de la santé, de l’éducation, de la propreté, de l’alimentaire et de sa distribution, et les professions régaliennes. Peu fragilisés économiquement, ils n’en sont pas moins exposés à une vulnérabilité d’ordre sanitaire
par leur contact direct avec le public pour les trois quarts d’entre eux. Parmi les plus mal rémunérées et davantage occupées par des femmes, ces professions sont exposées à une intensification du travail.
Groupe 4. Les télétravailleurs (3,9 millions ) sont exposés à un nouveau risque d’hyperconnectivité. Essentiellement occupées par des cadres, ces professions doivent, à distance, assurer la continuité du travail et préparer la reprise d’activité. Soumis d’ordinaire à une plus forte intensité du travail, ils voient leur charge mentale et les difficultés de conciliation avec la vie familiale renforcées par la crise.
Groupe 5. Les travailleurs en inactivité partielle protégés du licenciement à court terme par leur statut. Ce sont des professions intermédiaires ou des employés qualifiés (4 millions d’emplois) qui ne peuvent télétravailler et qui, de ce fait, peuvent être exposés à des risques d’éloignement de la sphère professionnelle et de désocialisation.

L’impact de la crise sera ainsi particulièrement fort, et pour certains très dur, pour les groupes 1 et 2, qui représentent 8,5 millions de travailleurs (salariés et non salariés) sur un total d’environ 26,8 millions, soit 32% des travailleurs…

Source : France Stratégie – télécharger le rapport fs-2020-na88-metiers-corona-avril

La réforme de la formation professionnelle et les petites entreprises (IV)

La réforme de la formation professionnelle initiée par la loi Avenir professionnel de 2018, apparait très prometteuse pour accompagner la mutation structurelle de l’économie, en permettant aux entreprises et aux salariés d’acquérir les compétences nécessaires à cette mutation. Elle pose toutefois question sur quelques points cruciaux pour atteindre véritablement son objectif de développement des compétences accessibles à toutes et tous.

Le formidable double effort pour développer les formations préparatoires à l’emploi à destination des demandeurs d’emploi (dans le cadre du PIC et des PRIC) et pour développer la formation en l’alternance, correspond à la volonté de réduire le chômage et de permettre aux entreprises d’acquérir les compétences dont elles ont besoin. Mais, au final, ces actions ne sont-elles pas performantes, non pas tellement du fait de la pertinence de la formation, mais plutôt du fait de l’accompagnement réalisé auprès des candidats au recrutement, mais aussi auprès des recruteurs, avant, pendant et après l’action de formation ?

La résolution des difficultés de recrutement passe sans doute par une mobilisation des acteurs de l’emploi et de la formation au plus près des petites entreprises au sein du bassin d’emploi.

Cette démarche d’accompagnement de gestion des compétences dans les petites entreprises est totalement transposable au recrutement. Pour développer l’apprentissage comme pour insérer professionnellement des demandeurs d’emploi éloignés de l’emploi, comme pour aider les entreprises à résoudre leurs difficultés de recrutement, se sont développés de multiples actions auprès des petites entreprises. Les actions mobilisent la formation professionnelle, le plus souvent des formations certifiantes, qui permettent de préparer les candidats à l’embauche (POE individuelles ou collectives) ou qui permettent de former dans le cadre de l’embauche (apprentissage et contrat pro). Dès lors que l’on s’adresse aux petites entreprises, il y a toujours besoin d’un accompagnement, avant, pendant et après le recrutement. Dans bien des cas, la recherche des candidats est même faite par le prestataire (organisme de formation, pôle-emploi, mission locale, ou encore entreprise de travail temporaire ou même GEIQ groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification…).

Et puis, point essentiel pour les petites entreprises, les actions sont menées au niveau du bassin d’emploi, où les acteurs de l’emploi et de la formation agissent en partenariat avec les entreprises, souvent dans une démarche intersectorielle, sans négliger la mobilisation des branches lorsqu’elles sont présentes sur le territoire. Ce type d’action a déjà été initié dans le cadre des PLIE, plans locaux d’initiative pour l’emploi. Nombre d’actions mises en œuvre dans le cadre du PIC Plan d’investissement dans les compétences, s’inscrivent dans cette démarche, déjà ancienne, tout en comportant bien entendu des points d’innovation particulièrement intéressants.

Citons pour exemple le dispositif GACET, de Gestion Anticipée des Compétences et de l’Emploi sur le Territoire qui a été initié en Bourgogne-Franche-Comté. Ce dispositif est intéressant et innovant, car il ne part pas du principe « ancien monde » de l’insertion des jeunes éloignés de l’emploi, mais de la difficulté de recrutement des TPME (très petites, petites et moyennes entreprises) du territoire.

Le constat est que le décalage entre l’offre et la demande perdure sur le marché de l’emploi, qu’il est même amplifié pour les TPME, du fait que les moyens en gestion des ressources humaines y sont limités, que les profils des emplois sont protéiformes et souvent mal définis et que les emplois qu’elles proposent sont mal valorisés ou moins attractifs.
Ajoutons que du côté des demandeurs d’emploi, leur faible mobilité géographique et professionnelle accentue la difficulté de rapprocher l’offre et la demande.
Aussi, le dispositif de GACET vise à répondre aux enjeux pour les TMPE : disposer de personnes plus adaptables, augmenter la mobilité géographique et professionnelle des personnes, rendre attractif les territoires et les petites entreprises.

Pour ce faire, le dispositif GACET mobilise tous les acteurs des territoires pour :

  • Adopter une approche compétence qui ouvre le champ des mobilités professionnelles
  • Travailler sur la base des activités partagées par grandes familles de métiers pour définir des troncs communs d’activité ainsi que des compétences transversales, de façon à créer des actions collectives de formations transversales
  • Anticiper la formation transversale ou « troncs communs d’activité » avant emploi avec une formation spécifique après embauche, de fait plus individualisée.

Et puis surtout, le dispositif accompagne les TMPE dans l’acte de recrutement, pour sélectionner les candidats, pour les former avant l’embauche (compétences transversales) puis les former après l’embauche (compétences spécifiques).

L’approche collective au niveau d’un territoire permet de mobiliser « en masse » les TPME et d’apporter des solutions les plus adaptées. L’approche collaborative permet de faire des réponses singulières en trouvant ce qui peut être « industrialisé » tout en individualisant l’accompagnement.

Hugues JURICIC, 18 février 2020

La réforme de la formation professionnelle et les petites entreprises (III)

La réforme de la formation professionnelle initiée par la loi Avenir professionnel de 2018, apparait très prometteuse pour accompagner la mutation structurelle de l’économie, en permettant aux entreprises et aux salariés d’acquérir les compétences nécessaires à cette mutation. Elle pose toutefois question sur quelques points cruciaux pour atteindre véritablement son objectif de développement des compétences accessibles à toutes et tous.
La difficulté majeure des petites entreprises est précisément de ne pas avoir la ressource humaine en gestion de l’emploi et des compétences. Qui va fournir ce travail d’accompagnement, travail qui est chronophage et coûteux quand on le rapporte au budget de formation concerné ?

Un enjeu majeur de la réforme de la formation est d’améliorer le taux d’accès de la formation des salariés en particulier des plus petites entreprises, et ce faisant d’accompagner les TPME pour faire face aux enjeux majeurs comme la révolution numérique ou la transition énergétique, tout en permettant aux salariés de préserver (ou améliorer) leur employabilité.

Aussi, cet enjeu de la réforme ne pourra avoir des réponses appropriées qu’à deux conditions :

  • Que le budget consacré à la formation par les entreprises de moins de 50 salariés augmente de façon substantielle, directement via le plan de formation mis en œuvre par l’entreprise, ou indirectement par la mobilisation des comptes personnels de formation par les salariés
  • Que l’accès à la formation soit facilité par un accompagnement territorial ou sectoriel d’une part des entreprises pour la mise en œuvre de leur plan de formation, et d’autre part des salariés pour la mobilisation de leur compte personnel de formation (et du CEP conseil en évolution professionnelle).

La réforme de la formation amplifie l’individualisation de la démarche de formation (le DIF droit individuel à la formation devenant le CPF compte personnel de formation) et risque de réduire les démarches collectives menées dans le cadre des plans de formation.

Les grandes entreprises, celles qui ont plus de 300 salariés, ont un service de gestion du personnel avec des personnes en charge de la mise en œuvre des plans de formation. Elles avaient déjà un haut niveau de pratiques de formation, et à la suite à la réforme, elles vont sans aucun doute continuer.

Les entreprises entre 50 et 300 salariés sont, dans la réforme, assimilées aux plus grandes. Elles avaient un niveau de pratiques de la formation assez proche des plus grandes avec un taux d’accès la formation approchant les 50% des salariés. Mais cette dynamique de formation était accompagnée par les branches. La mutualisation des fonds via les OPCA permettait de démultiplier au niveau national, mais aussi dans les territoires, l’effort de formation, avec des actions collectives répondant à des besoins spécifiques, ainsi que de mettre à disposition des outils de GRH (gestion des ressources humaines) utiles pour ces PME qui n’ont pas de personnes dédiées à la gestion du plan de formation. On peut donc craindre que ces entreprises de taille moyenne aient des difficultés à maintenir un niveau de pratiques de formation élevé, dans la mesure où leurs ressources en GRH sont limitées. Il demeure la possibilité aux branches à introduire des contributions conventionnelles au plan de formation de façon à développer une offre collective de services à leur intention, ce qui peut d’ailleurs inciter les plus grandes à contribuer de façon volontaire à la dynamique collective mise en œuvre par les branches (via l’OPCA, maintenant devenu l’OPCO).

Cette dynamique concernait les entreprises de 11 à 300 salariés, même si les pratiques des 11 à 49 salariés différaient nettement, avec un taux de recours à la formation qui diminuait nettement dans les plus petites entreprises. Mais celles-ci bénéficiaient de la dynamique créée avec les plus grandes des PME. La réforme casse cette dynamique. Dorénavant les entreprises de 11 à 49 salariés sont assimilées aux TPE ayant moins de 10 salariés. On peut parler de TPME, très petites et moyennes entreprises.

Or, le constat sur le terrain est que la TPME ne fait pas de GRH, n’a pas de stratégie, et ne mobilise pas les dispositifs publics en matière de GRH qu’elle pense trop compliqués, trop lourds. Cependant l’enjeu de la connaissance, de l’évolution des compétences, dans un contexte économique changeant et très exigeant, est majeur pour ne pas dire essentiel. Aussi il est absolument nécessaire que les branches en complémentarité des dispositifs territoriaux mis en place par les acteurs EFPOI (Emploi, formation professionnelle, orientation et insertion) se mobilisent pour accompagner les plus petites entreprises dans leur démarche (informelle) de gestion prospective de l’emploi et des compétences.

L’accompagnement doit toutefois être adapté. Il s’agit d’aborder la question de façon opérationnelle en évitant le vocabulaire de la GRH, les « gros mots » du verbiage des professionnels de la formation. Il s’agit néanmoins bien d’une démarche de GPEC gestion prospective des emplois et des compétences, et d’aider ce faisant les entreprises à formaliser leur Plan de développement des compétences, mais cela doit être adapté à la taille de l’entreprise, être en quelque sorte simplifié, mais sans pour autant édulcorer. Ce faisant, l’employeur acquiert une compétence de GRH, une compétence d’entrepreneur qui gère les connaissances individuelles et collectives comme il sait gérer ses équipements et ses outils. D’ailleurs, à cet égard, le fait que les entreprises vont très bientôt pouvoir amortir les frais de formation, signifie bien que l’on parle d’investissement en capital humain. Il s’agit aussi d’assister les entreprises dans les territoires à résoudre les grandissantes difficultés de recrutement, en recourant plus massivement aux dispositifs de recrutement de demandeurs d’emploi, aux actions de formation préparatoires à l’emploi ainsi qu’aux différentes formes d’alternance dont l’apprentissage.

C’est d’ailleurs précisément l’enjeu de la réforme de la formation professionnelle que d’assouplir, de démultiplier les modalités de la formation :

  • avant l’embauche : enjeu du PIC et de ses déclinaisons en région,
  • dans le cadre du recrutement : enjeu du développement massif de l’alternance,
  • puis dans le cadre du parcours professionnel en entreprise : enjeux du CEP conseil en évolution professionnelle, du développement du CPF, du ProA et bien entendu des formations relevant du plan de développement des compétences, ex-plan de formation des entreprises.

Mais soulignons-le encore une fois, sans un accompagnement des plus petites entreprises et de leurs salariés, cela ne pourra se faire, accompagnement qui doit être réalisé en proximité, sans doute en partenariat renforcé entre les acteurs de l’emploi, de la formation, de l’orientation et de l’insertion dans les territoires.

Hugues JURICIC, le 13 février 2020

La réforme de la formation professionnelle et les petites entreprises (II)

La réforme de la formation professionnelle initiée par la loi Avenir professionnel de 2018, apparait très prometteuse pour accompagner la mutation structurelle de l’économie, en permettant aux entreprises et aux salariés d’acquérir les compétences nécessaires à cette mutation. Elle pose toutefois question sur quelques points cruciaux pour atteindre véritablement son objectif de développement des compétences accessibles à toutes et tous.
Alors que la réforme de la formation vise à augmenter la formation professionnelle des salariés les moins qualifiés et celle des salariés des petites entreprises, celles-ci, précisément au niveau budgétaire, ne sont-elles pas les délaissées de la réforme, en quelque sorte la dernière roue du carrosse ?

Les dépenses de formation continue des salariés du secteur privé sont de plus en plus à la seule initiative des entreprises.

Dans la réforme initiée en 2018, seules les entreprises ayant moins de 50 salariés se tourneront vers l’OPCO pour le financement des formations de leur salariés. C’est dire que la part du budget de la formation au titre du plan de formation qui sera gérée par les OPCO (ex-OPCA) sera plus faible encore que la part gérée directement par les entreprises.

Aussi, le volume des dépenses pour la formation des salariés (hors apprentissage, professionnalisation, CIF et DIF-CPF) est d’environ 2,8 Mds € pour les entreprises de moins de 50 salariés contre 10,4 Mds € pour les plus grandes, l’écart s’expliquant par le taux d’accès moyen à la formation d’un peu moins de 20% dans les entreprises de moins de 50 salariés alors qu’il est d’un peu plus de 50% dans les plus grandes, soit 2,5 fois plus dans les entreprises ayant 50 salariés et plus.

En prenant comme indicateur les dépenses financées sur les fonds collectés par les OPCA en 2018, le volume des dépenses pour la formation au titre du plan de formation concernant les entreprises de moins de 50 salariés, est encore plus faible, 0,6 Mds pour 1,35 millions de stagiaires pour un nombre de salariés

Si l’on souhaite mettre à niveau la formation des salariés au titre du plan de formation des entreprises ayant moins de 50 salariés, il faudrait augmenter de façon très substantielle le niveau des dépenses, qu’elles soient financées directement par les entreprises ou via la mutualisation des versements obligatoires.

En prenant comme base de calcul, l’effectif de 10,7 millions de salariés des entreprises ayant moins de 50 salariés, le taux d’accès la formation de 50% qui est celui des salariés des entreprises ayant plus de 50 salariés et un coût moyen de 2000 € par stagiaire, il faudrait un budget de 10,7 Mds € ! Loin des 2,8 Mds € estimés pour les dépenses des entreprises de moins de 50 salariés estimés par le CEREQ en 2014 et encore plus loin des dépenses financées par les OPCA en 2018 (0,6 Mds €), et plus loin encore du budget prévu par France Compétences pour les OPCO pour financer le plan de formation des entreprises ayant moins de 50 salariés en 2020 qui est de 0,48 Mds €…

Cela signifie-t-il que les entreprises ayant moins de 50 salariés vont développer massivement la formation en alternance au moment de l’embauche, et que les salariés vont massivement avoir recours au CPF pour se professionnaliser, pour acquérir les compétences dont les salariés et les entreprises ont besoin dans le contexte d’une part des difficultés de recrutement, et d’autre part de la révolution numérique, de la transition énergétique et de la constante mise aux normes HSQE ? On peut avoir de grandes craintes.

Il devient urgent d’investir massivement au niveau des branches, des OPCO mais aussi des organismes de formation pour d’une part, accompagner les entreprises dans leurs pratiques d’embauches pour y intégrer la formation préparatrice à l’emploi et l’alternance, et pour d’autre part, accompagner les salariés pour utiliser leur CPF. Pour ce faire, il est sans aucun doute urgent d’assouplir et rendre plus accessible les formations certifiantes, notamment en décomposant les certifications en « briques » et non pas en « blocs » de compétences ainsi qu’en diversifiant les modalités de formation (AFEST, distanciel mixé avec le présentiel, VAE sous toutes ses formes…), afin de proposer des parcours de professionnalisation dans tous les métiers.

Hugues JURICIC le 12 février 2020