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Bilan du SRFSS d’Ile-de-France en question

Le bilan du SRFSS 2016-2022 en question en regard des données chiffrées de l’emploi et de la formation en Ile-de-France
Note de Hugues JURICIC Conseil du 10 décembre 2021

Les axes/objectifs du SRFSS Schéma Régional des Formations Sanitaires et Sociales 2016-2022 du Conseil régional d’Ile de France sont :
–  Connaître et faire connaître les métiers et formations sanitaires et sociales
–  Adapter la carte des formations aux besoins en emploi des territoires
–  Améliorer la gestion des centres de formation, développer la qualité de la formation, l’innovation et la recherche
–  Soutenir les publics en formation.
Tous visent à répondre à l’enjeu principal qui est d’avoir un dispositif régional de formation aux certifications et diplômes du secteur sanitaire, social et médicosocial qui alimentent en nombre et qualité satisfaisante le secteur régional sanitaire et social.
Pour ce faire, il s’agit d’avoir une carte des formations en adéquation avec les besoins mais aussi de favoriser l’orientation des jeunes dans les différentes sections de formation, de soutenir les élèves et étudiants pendant leur formation, et d’aider les centres de formation à développer la qualité de la formation.
Les moyens mobilisés par la Région et la gouvernance mise en œuvre ont-ils permis d’atteindre l’objectif de bonne adéquation de la carte des formations ?
Y a-t-il eu in fine suffisamment de diplômés entrant sur le marché du travail pour satisfaire les besoins de recrutement dans les différents métiers ?
Le contexte socioéconomique a évolué depuis 2015 au moment où le SRFSS 2016-2020 a été élaboré. Les objectifs prévus pour les différentes certifications ont-ils pertinents ? Et en particulier, comment la covid a-t-elle impacté les besoins en recrutement d’un côté et le flux des entrants dans les formations de l’autre côté ?
Et puis au niveau des territoires infrarégionaux, n’y-a-t-il pas des déficits particuliers tant au niveau des recrutements dans les filières de formation que dans les recrutements dans les établissements sanitaires et sociaux ? Ces déficits étant accentués par un turnover des personnels particulièrement élevé ? N’y a-t-il pas à cet égard à aider certains territoires et certains établissements particulièrement peu attractifs (multiples difficultés à avoir des stagiaires, à recruter puis à fidéliser) ? Comment le SRFSS pourrait-il aider à résoudre ces difficultés (logement, transport, financement de la formation contre engagement à rester dans l’établissement quelques années….) ?

L’offre de formation financée par la Région est conséquente :
Secteur sanitaire: 77 organismes de formation pour 151 formations certifiantes concernant 12 métiers.
Secteur social: 30 organismes de formation pour 72 formations certifiantes concernant 9 métiers
En sus du dispositif de formation, un programme complémentaire relevant de la formation continue finance 33 organismes de formation pour 45 formations financées (20 formations Aide-soignant et 25 formations Auxiliaire de puériculture).

Ce dispositif semble conséquent à même de former les quelques 16000 diplômés chaque année, 12000 dans le secteur sanitaire et 4000 dans le secteur social. La couverture territoriale au niveau infrarégional est-elle néanmoins satisfaisante ? sachant que la mobilité pour les premiers niveaux de qualification peut être très limitée, rarement au-delà du département ?

Les objectifs du SRFSS étaient de diminuer les effectifs des formations du secteur social, au motif qu’il n’y avait pas de difficultés de recrutement dans le secteur, à l’exception des métiers de la petites enfance (DEJE éducateur jeune enfance) et de la dépendance (DEAVS). En 2019 (à vérifier en 2020 et 2021) le nombre annuel de diplômés est bien en diminution pour tous les métiers, les objectifs d’évolution à hausse ne sont donc pas atteints pour la petite enfance et la dépendance. Et pourtant, les difficultés de recrutement dans ces métiers sont très fortes et cela depuis de nombreuses années. Notons que le service aux personnes dépendantes n’exige pas pour la très grande majorité des employés d’être diplômée. En revanche pour la petite enfance, le personnel doit être certifié, ce qui peut rendre le marché de l’emploi particulièrement tendu.
Pour le secteur sanitaire, les objectifs étaient d’augmenter les effectifs pour tous les métiers (rééducation, petite enfance, dépendance), sauf pour le métier d’infirmier qu’il s’agissait de stabiliser. Force est de constater que l’évolution du nombre des diplômés est plutôt à la stabilité voire à la diminution, en particulier pour les aides-soignants dont les difficultés de recrutement sont particulièrement fortes et en augmentation.

L’enquête BMO permet de mesurer les besoins de main d’œuvre exprimés à 6 mois ainsi que les difficultés de recrutement anticipées pour la plupart des métiers (200 métiers PCS Professions et Catégories Socioprofessionnelles). Le volume des recrutements ne se réalise pas forcément puisque ce sont des projets et qu’il est anticipé des difficultés de recrutements. Néanmoins l’évolution annuelle reflète plutôt fidèlement la réalité du marché du travail. Ainsi il apparaît clairement que le besoin de main d’œuvre ne cesse d’augmenter pour les différents métiers du sanitaire et social. Cela ne signifie pas que le volume des emplois augmente, mais que le turn-over augmente et que le nombre des postes non pourvues (et donc restant à pourvoir) s’accroît également. Et corrélativement, dans un jeu de causalité réciproque, les difficultés de recrutement augmentent.
Il serait intéressant de descendre au niveau du bassin d’emploi (territoires intrarégionaux) mais l’exercice est délicat en Ile de France tant est particulièrement complexe le système de la mobilité et de la perception de la distance entre lieu de résidence (là où le revenu du foyer permet d’habiter), le lieu du centre de formation puis le lieu de travail.
L’enquête BMO indique des difficultés de recrutement qui sont pour l’ensemble des métiers spécifiques du secteur sanitaire et social particulièrement élevé (en moyenne supérieur à 50% des projets d’embauche) avec une sensible augmentation depuis 2019, sans que la crise de la Covid semble avoir un effet particulier. La tendance lourde était déjà à l’œuvre, et la réalité dans certains territoires et certains métiers (aide à domicile, aide-soignant, infirmier notamment) doit être particulièrement très difficilement, au point d’ailleurs d’être ingérable, ce qui génère un poste vacant important et une suractivité des salariés en poste, allant jusqu’au point de rupture.
Tous les métiers n’ont pas les mêmes difficultés. Et il apparaît des variations annuelles qu’il faut relativiser. Mais globalement, comme tout le monde s’accorde à le dire, la tendance est haussière et les difficultés de difficultés sont à un haut niveau. Toutefois c’est tendance et les tensions sur le marché de l’emploi sont générales, dans tous les secteurs et toutes les régions.
Le turn-over qui est calculé à partir des données de la DADS 2016 correspond au flux moyen des entrées-sorties rapporté à l’effectif moyen en début et fin d’année.
Ce turn-over de 21% (17% pour le sanitaire et 26% pour le social) est particulièrement élevé. Il indique l’ampleur des départs (maladie, démission) mais aussi une forte instabilité des salariés qui ne restent pas longtemps dans un même établissement (un turn-over de 20% correspond à une ancienneté moyenne de 5 ans).

Le turn-over élevé alors que les difficultés de recrutement sont importantes indiquent que le secteur sanitaire et social est en grave crise, car il est dorénavant difficile d’enclencher une dynamique vertueuse pour enrayer le phénomène. Ce phénomène est même gravissime dans certains territoires intrarégionaux, soit parce que l’exercice du métier y est plus difficile, soit parce qu’il est difficile pour le personnel d’y habiter, car souvent trop cher, ce qui ajoute aux conditions de travail des temps de transport particulièrement long, parfois tôt ou tard dans la journée quand la fréquence des transports (et la sécurité) est moindre. Il devient alors encore plus difficile de recruter, ce qui en conséquence conduit à surcharger le personnel en place qui n’en peut plus, fait augmenter les départs pour maladie ou démission. L’attractivité des établissements et des métiers dans ces territoires s’en trouvent d’autant dégradée, ce qui accentue les difficultés de recrutement.
Il sera vain de chercher une bonne adéquation de l’offre de formation au niveau régional sans s’attaquer aux situations d’emploi les plus dégradées.

La recherche de la bonne adéquation de l’offre de formation au niveau régional ne peut passer pas le seul ajustement du nombre de diplômés dans les différents métiers. Elle nécessite de mieux raccorder les personnes en formation avec les établissements et les territoires ayant le plus grands besoins de recrutement, de les orienter et les inciter à y venir travailler au sortir de leur formation. Cela peut se faire de plusieurs façons, les différentes modalités pouvant se conjuguer. Et il ne s’agit en aucun cas d’un problème de communication. Il pourrait s’agir de faciliter les stages pendant la période de formation pour faire connaître les métiers et les établissements, en s’assurant que les établissements puissent faire un accueil valorisant des stagiaires de façon à leur donner envie d’y travailler par la suite. Il pourrait aussi s’agir de favoriser la première embauche (2 ou 3 ans) dans tous les établissements publics et privés qui peinent à recruter avec par exemple des primes en complément de revenu et surtout trouver des facilités de logement. Le développement de l’apprentissage n’est pas nécessairement une solution dans la mesure où cela réduit la possibilité de faire découvrir la palette la plus large de situation de travail, à moins d’organiser l’alternance de façon à faire tourner l’apprenti sur plusieurs postes au cours de sa formation, comme cela se fait de façon usuelle pour les stages dans les formations du sanitaire et du social. On peut imaginer qu’un ou deux stages puissent être réalisés au sein de l’établissement avec qui le stagiaire passerait un contrat avec promesse d’embauche pour 2 ou 3 ans une fois diplômé, avec une rémunération pendant la formation, une prime à l’embauche et des facilités pour trouver un logement à loyer modéré, éventuellement disponible dès le début de la formation.

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