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Bilan du SRFSS d’Ile-de-France en question

Le bilan du SRFSS 2016-2022 en question en regard des données chiffrées de l’emploi et de la formation en Ile-de-France
Note de Hugues JURICIC Conseil du 10 décembre 2021

Les axes/objectifs du SRFSS Schéma Régional des Formations Sanitaires et Sociales 2016-2022 du Conseil régional d’Ile de France sont :
–  Connaître et faire connaître les métiers et formations sanitaires et sociales
–  Adapter la carte des formations aux besoins en emploi des territoires
–  Améliorer la gestion des centres de formation, développer la qualité de la formation, l’innovation et la recherche
–  Soutenir les publics en formation.
Tous visent à répondre à l’enjeu principal qui est d’avoir un dispositif régional de formation aux certifications et diplômes du secteur sanitaire, social et médicosocial qui alimentent en nombre et qualité satisfaisante le secteur régional sanitaire et social.
Pour ce faire, il s’agit d’avoir une carte des formations en adéquation avec les besoins mais aussi de favoriser l’orientation des jeunes dans les différentes sections de formation, de soutenir les élèves et étudiants pendant leur formation, et d’aider les centres de formation à développer la qualité de la formation.
Les moyens mobilisés par la Région et la gouvernance mise en œuvre ont-ils permis d’atteindre l’objectif de bonne adéquation de la carte des formations ?
Y a-t-il eu in fine suffisamment de diplômés entrant sur le marché du travail pour satisfaire les besoins de recrutement dans les différents métiers ?
Le contexte socioéconomique a évolué depuis 2015 au moment où le SRFSS 2016-2020 a été élaboré. Les objectifs prévus pour les différentes certifications ont-ils pertinents ? Et en particulier, comment la covid a-t-elle impacté les besoins en recrutement d’un côté et le flux des entrants dans les formations de l’autre côté ?
Et puis au niveau des territoires infrarégionaux, n’y-a-t-il pas des déficits particuliers tant au niveau des recrutements dans les filières de formation que dans les recrutements dans les établissements sanitaires et sociaux ? Ces déficits étant accentués par un turnover des personnels particulièrement élevé ? N’y a-t-il pas à cet égard à aider certains territoires et certains établissements particulièrement peu attractifs (multiples difficultés à avoir des stagiaires, à recruter puis à fidéliser) ? Comment le SRFSS pourrait-il aider à résoudre ces difficultés (logement, transport, financement de la formation contre engagement à rester dans l’établissement quelques années….) ?

L’offre de formation financée par la Région est conséquente :
Secteur sanitaire: 77 organismes de formation pour 151 formations certifiantes concernant 12 métiers.
Secteur social: 30 organismes de formation pour 72 formations certifiantes concernant 9 métiers
En sus du dispositif de formation, un programme complémentaire relevant de la formation continue finance 33 organismes de formation pour 45 formations financées (20 formations Aide-soignant et 25 formations Auxiliaire de puériculture).

Ce dispositif semble conséquent à même de former les quelques 16000 diplômés chaque année, 12000 dans le secteur sanitaire et 4000 dans le secteur social. La couverture territoriale au niveau infrarégional est-elle néanmoins satisfaisante ? sachant que la mobilité pour les premiers niveaux de qualification peut être très limitée, rarement au-delà du département ?

Les objectifs du SRFSS étaient de diminuer les effectifs des formations du secteur social, au motif qu’il n’y avait pas de difficultés de recrutement dans le secteur, à l’exception des métiers de la petites enfance (DEJE éducateur jeune enfance) et de la dépendance (DEAVS). En 2019 (à vérifier en 2020 et 2021) le nombre annuel de diplômés est bien en diminution pour tous les métiers, les objectifs d’évolution à hausse ne sont donc pas atteints pour la petite enfance et la dépendance. Et pourtant, les difficultés de recrutement dans ces métiers sont très fortes et cela depuis de nombreuses années. Notons que le service aux personnes dépendantes n’exige pas pour la très grande majorité des employés d’être diplômée. En revanche pour la petite enfance, le personnel doit être certifié, ce qui peut rendre le marché de l’emploi particulièrement tendu.
Pour le secteur sanitaire, les objectifs étaient d’augmenter les effectifs pour tous les métiers (rééducation, petite enfance, dépendance), sauf pour le métier d’infirmier qu’il s’agissait de stabiliser. Force est de constater que l’évolution du nombre des diplômés est plutôt à la stabilité voire à la diminution, en particulier pour les aides-soignants dont les difficultés de recrutement sont particulièrement fortes et en augmentation.

L’enquête BMO permet de mesurer les besoins de main d’œuvre exprimés à 6 mois ainsi que les difficultés de recrutement anticipées pour la plupart des métiers (200 métiers PCS Professions et Catégories Socioprofessionnelles). Le volume des recrutements ne se réalise pas forcément puisque ce sont des projets et qu’il est anticipé des difficultés de recrutements. Néanmoins l’évolution annuelle reflète plutôt fidèlement la réalité du marché du travail. Ainsi il apparaît clairement que le besoin de main d’œuvre ne cesse d’augmenter pour les différents métiers du sanitaire et social. Cela ne signifie pas que le volume des emplois augmente, mais que le turn-over augmente et que le nombre des postes non pourvues (et donc restant à pourvoir) s’accroît également. Et corrélativement, dans un jeu de causalité réciproque, les difficultés de recrutement augmentent.
Il serait intéressant de descendre au niveau du bassin d’emploi (territoires intrarégionaux) mais l’exercice est délicat en Ile de France tant est particulièrement complexe le système de la mobilité et de la perception de la distance entre lieu de résidence (là où le revenu du foyer permet d’habiter), le lieu du centre de formation puis le lieu de travail.
L’enquête BMO indique des difficultés de recrutement qui sont pour l’ensemble des métiers spécifiques du secteur sanitaire et social particulièrement élevé (en moyenne supérieur à 50% des projets d’embauche) avec une sensible augmentation depuis 2019, sans que la crise de la Covid semble avoir un effet particulier. La tendance lourde était déjà à l’œuvre, et la réalité dans certains territoires et certains métiers (aide à domicile, aide-soignant, infirmier notamment) doit être particulièrement très difficilement, au point d’ailleurs d’être ingérable, ce qui génère un poste vacant important et une suractivité des salariés en poste, allant jusqu’au point de rupture.
Tous les métiers n’ont pas les mêmes difficultés. Et il apparaît des variations annuelles qu’il faut relativiser. Mais globalement, comme tout le monde s’accorde à le dire, la tendance est haussière et les difficultés de difficultés sont à un haut niveau. Toutefois c’est tendance et les tensions sur le marché de l’emploi sont générales, dans tous les secteurs et toutes les régions.
Le turn-over qui est calculé à partir des données de la DADS 2016 correspond au flux moyen des entrées-sorties rapporté à l’effectif moyen en début et fin d’année.
Ce turn-over de 21% (17% pour le sanitaire et 26% pour le social) est particulièrement élevé. Il indique l’ampleur des départs (maladie, démission) mais aussi une forte instabilité des salariés qui ne restent pas longtemps dans un même établissement (un turn-over de 20% correspond à une ancienneté moyenne de 5 ans).

Le turn-over élevé alors que les difficultés de recrutement sont importantes indiquent que le secteur sanitaire et social est en grave crise, car il est dorénavant difficile d’enclencher une dynamique vertueuse pour enrayer le phénomène. Ce phénomène est même gravissime dans certains territoires intrarégionaux, soit parce que l’exercice du métier y est plus difficile, soit parce qu’il est difficile pour le personnel d’y habiter, car souvent trop cher, ce qui ajoute aux conditions de travail des temps de transport particulièrement long, parfois tôt ou tard dans la journée quand la fréquence des transports (et la sécurité) est moindre. Il devient alors encore plus difficile de recruter, ce qui en conséquence conduit à surcharger le personnel en place qui n’en peut plus, fait augmenter les départs pour maladie ou démission. L’attractivité des établissements et des métiers dans ces territoires s’en trouvent d’autant dégradée, ce qui accentue les difficultés de recrutement.
Il sera vain de chercher une bonne adéquation de l’offre de formation au niveau régional sans s’attaquer aux situations d’emploi les plus dégradées.

La recherche de la bonne adéquation de l’offre de formation au niveau régional ne peut passer pas le seul ajustement du nombre de diplômés dans les différents métiers. Elle nécessite de mieux raccorder les personnes en formation avec les établissements et les territoires ayant le plus grands besoins de recrutement, de les orienter et les inciter à y venir travailler au sortir de leur formation. Cela peut se faire de plusieurs façons, les différentes modalités pouvant se conjuguer. Et il ne s’agit en aucun cas d’un problème de communication. Il pourrait s’agir de faciliter les stages pendant la période de formation pour faire connaître les métiers et les établissements, en s’assurant que les établissements puissent faire un accueil valorisant des stagiaires de façon à leur donner envie d’y travailler par la suite. Il pourrait aussi s’agir de favoriser la première embauche (2 ou 3 ans) dans tous les établissements publics et privés qui peinent à recruter avec par exemple des primes en complément de revenu et surtout trouver des facilités de logement. Le développement de l’apprentissage n’est pas nécessairement une solution dans la mesure où cela réduit la possibilité de faire découvrir la palette la plus large de situation de travail, à moins d’organiser l’alternance de façon à faire tourner l’apprenti sur plusieurs postes au cours de sa formation, comme cela se fait de façon usuelle pour les stages dans les formations du sanitaire et du social. On peut imaginer qu’un ou deux stages puissent être réalisés au sein de l’établissement avec qui le stagiaire passerait un contrat avec promesse d’embauche pour 2 ou 3 ans une fois diplômé, avec une rémunération pendant la formation, une prime à l’embauche et des facilités pour trouver un logement à loyer modéré, éventuellement disponible dès le début de la formation.

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Plan de relance et développement de l’alternance

Formidable soutien du Plan France Relance au développement de l’alternance

Cet article se base sur les résultats de l’évaluation du Plan France Relance de France Stratégie (Rapport d’évaluation d’octobre 2021, chapitre 7 relatif au « Plan 1 jeune 1 solution ») et de données de la DARES.
Rapport à télécharger : fs-2021-rapport-evaluation-plan_france_relance-octobre – Chap 7 Plan 1 jeune 1 solution
Article à télécharger : Développement Alternance Plan Relance

Le plan « 1 jeune 1 solution » a pour objectif d’éviter que la crise sanitaire ne conduise à de fortes augmentations des situations d’exclusion et de précarité des jeunes.
Lancé en juillet 2020 au sortir du premier confinement, au moment où l’on a commencé à comprendre que la crise sanitaire se doublait d’une grave crise économique et sociale. Et les jeunes ont été identifiés comme particulièrement vulnérables en période de difficultés économiques, avec une sensibilité de l’emploi des jeunes particulièrement forte, en partie du fait de la plus grande précarité de leurs contrats de travail. Il s’agissait donc d’aider à leur meilleure intégration dans le monde du travail, précisément pour diminuer l’exclusion et la précarité.
Le plan « 1 jeune 1 solution » vise donc à compléter les mesures de soutien à l’emploi, de formation et de lutte contre la précarité en direction des jeunes quel que soit leur profil, qu’ils soient étudiants, en recherche d’un premier emploi ou inactifs.
Le plan est articulé autour de trois grandes priorités :
‒ faciliter l’entrée des jeunes sur le marché du travail,
‒ accompagner les jeunes éloignés de l’emploi,
‒ orienter et former les jeunes.

La première priorité est de faciliter l’entrée des jeunes sur le marché du travail, principalement par des aides à l’embauche et à l’entrée en alternance, avec un objectif ambitieux d’aider à l’embauche de 1,5 million de jeunes pour un coût de 7,6 Md€ :
– une aide à l’embauche sur des périodes allongées de jeunes de moins de 26 ans : 1,1 Md€ pour 450 000 jeunes
– une aide massivement accrue à l’alternance qui apparaît la modalité d’intégration dans l’emploi la plus solide, tout en permettant aux entreprises d’acquérir de nouvelles compétences : pour l’apprentissage 5,1 Md€ pour 820 000 jeunes et pour le contrat de professionnalisation 0,8 Md€ pour 132 000 jeunes
– un financement supplémentaire pour le service civique : 0,6 Md€ pour 100 000 jeunes.

La deuxième priorité est d’accompagner les jeunes éloignés de l’emploi, grâce à de nouveaux financements apportés à des dispositifs préexistants : environ 500 000 parcours d’accompagnement supplémentaires au titre des principaux dispositifs (Pôle emploi et missions locales principalement), pour un coût estimé à 1,3 Md€.

La troisième priorité est d’améliorer l’orientation et la formation des jeunes : sur le cadre fourni par le Plan d’investissement dans les compétences (PIC) mis en oeuvre pour la période 2018-2022. L’objectif est d’ouvrir plus de 300 000 places supplémentaires pour orienter et de former les jeunes aux secteurs et métiers jugés d’avenir mais aussi de lutter contre le décrochage scolaire, pour un montant de 1,4 Md€.

A la fin septembre 2021, au moins 2,1 millions d’aides ou d’entrées dans des parcours d’accompagnement ou de formation sont comptabilisés :
– 1,4 million d’embauches aidées : 0,58 au titre de l’AEJ, 0,77 au titre de l’aide à l’apprentissage,0,08 au titre de l’aide aux contrats de professionnalisation
– 0,62 million de parcours d’accompagnement- 0,22 million d’entrées en parcours de formation PIC

Les aides exceptionnelles à l’alternance prévues dans le cadre du plan « 1 jeune 1 solution » interviennent dans le contexte de la réforme de l’apprentissage intervenue en 2018 et d’une progression constante de ces contrats ces dernières années. Dès 2019, le nombre de nouveaux contrats d’apprentissage signés par des jeunes de moins de 26 ans a ainsi progressé de 44 000 par rapport à 2018, soit +15 %. Dans le même temps, les entrées en contrats de professionnalisation ont reculé (-17 000 soit -10 %), portant l’évolution des entrées en alternance (apprentissage et contrat de professionnalisation confondus) chez les moins de 26 ans à +26 000 en 2019, soit +6 %.
L’accélération de cette bascule du contrat de professionnalisation vers l’apprentissage en 2020 pourrait en partie s’expliquer par le fait que les aides exceptionnelles mises en œuvre dans le cadre du plan « 1 jeune 1 solution » n’ont pas fait disparaître la différence de coût employeur pour les entreprises en faveur de l’apprentissage.
L’aide exceptionnelle réduirait fortement le coût de la première année de travail d’un apprenti, qui serait inférieur à 500 euros pour un apprenti de moins de 21 ans, quels que soient la taille de l’entreprise et le niveau de diplôme préparé.
L’aide exceptionnelle réduirait également le coût d’une première année d’un contrat de professionnalisation pour un jeune de 18 à 20 ans préparant un diplôme de niveau Bac ou inférieur de plus de 10 000 euros à près de 2 500 euros. Celui-ci resterait cependant supérieur en moyenne au coût employeur d’un contrat d’apprentissage. Ce qui expliquerait en partie pourquoi le recours à l’apprentissage serait préféré à la professionnalisation.
Le régime exceptionnel des aides à alternance prévu par le plan « 1 jeune 1 solution » a pu contribuer à accélérer cette tendance. En effet, il est plus favorable pour les contrats du supérieur jusqu’à Bac +5 qui peuvent bénéficier de l’aide exceptionnelle alors qu’ils n’étaient pas éligible à l’aide unique (sauf jusqu’à Bac +2 dans les DROM). Ainsi, la part du surcroît des aides augmente avec le niveau de la formation de l’alternant ; 71 % du surcroît est versé à des contrats d’alternance post-Bac, qui ne pouvaient pas bénéficier de l’aide unique.
La littérature économique indique que le développement de l’alternance explique une part assez importante des différences de taux de chômage chez les jeunes1. Pour autant, le fort recours à l’alternance par des jeunes déjà qualifiés du supérieur pourrait limiter le rôle de protection contre le chômage de ce dispositif. En effet, les jeunes diplômés du supérieur sont les moins exposés au chômage : le taux de chômage avant-crise des diplômés d’un Bac +3 ou plus est de 8,9 % contre 17,0 % et 24,0 % pour les jeunes titulaires au plus d’un diplôme de niveau Bac ou CAP-BEP.
En outre, certains travaux académiques mettent en avant un bénéfice limité dans le supérieur du passage en apprentissage, par rapport à une formation comparable par la voie scolaire. En moyenne, les taux d’insertion apparaissent certes meilleurs pour les apprentis que pour ceux ayant obtenu le même niveau de formation par la voie scolaire.
Cependant, une fois les effets de sélection neutralisés, les étudiants ayant préparé un diplôme du supérieur par l’apprentissage ne connaissent pas une meilleure insertion sur le marché du travail. Ce résultat est également valable dans le cas allemand. En analyse causale, seul l’apprentissage dans le secondaire a un effet positif sur l’insertion sur le marché du travail, en termes d’évitement du chômage, sans effet sur le niveau de salaire.
Le soutien de l’apprentissage dans le supérieur pourrait avoir des effets indirects, en favorisant l’accès de jeunes de milieu peu favorisé à des formations longues, parfois coûteuses. De fait, les apprentis du supérieur, particulièrement lorsqu’ils sont élèves de grandes écoles, sont d’origine sociale plus modeste que leurs camarades de la voie scolaire. Cependant, cet objectif semble différent de celui visé par le plan « 1 jeune 1 solution » d’amélioration de l’insertion professionnelle des apprentis.

Estimation des nouveaux contrats en 2020 et 2021 pour les moins de 26 ans

Moins de 26 ans 2020 Appren-tissage Contrats aidés 2020 2020 Contrat pro Contrats aidés 2020 2021 Appren-tissage Contrats aidés 2021 2021 Contrat pro Contrats aidés 2021
1er sem. 10 000  – 22 000 60 000 55 000 15 000 13 000
3ème tr. 380 000 345 000 34 000 30 000 300 000 270 000 40 000 35 000
4ème tr. 100 000 90 000 14 000 12 000 90 000 80 000 15 000 13 000
TOTAL 490 000 445 000 70 000 42 000 450 000 405 000 70 000 63 000
+ 26 ans 30 000 43 000

Source DARES – traitement HJC
Hypothèse de taux couverture de l’aide : 92% apprentissage et 88% contrat pro
Hypothèse des contractualisation au 4ème trimestre : 20% des contrats annuels
Les volumes extrapolés sont en italique.
L’estimation table sur une concomitance entre l’engagement de l’aide et le début du contrat. Il est vraisemblable qu’il y ait un certain glissement. Ce qu’indique le volume des aides pour l’apprentissage au 1er semestre 2021 correspondant à 60 000 contrats. Il est possible que l’aide ait pu conduire à faire débuter des contrats plus tôt que d’habitude, mais cette anticipation induite par l’aide ne compte sans doute pas pour 60 000 contrats.

L’extrapolation des résultats à fin septembre indique bien la forte utilisation de l’aide à l’apprentissage qui a été constaté en 2020. Mais en revanche il ne semble pas que le volume des contrats d’apprentissage soit en augmentation comme il l’a été en 2020 par rapport à 2019, compte en tenu du volume d’aide donné à fin septembre alors que le gros des contrats (plus de 80%) a été réalisé. En se fiant au volume d’aide imputable aux 3 premiers trimestres de 2021, à savoir 770 000 contrats aidés à fin septembre auxquels il faut déduire 445 000 contrats aidés imputables à 2020, soit 325 000 aides, on peut estimer un volume d’aides d’environ 405 000 en tablant sur un surcroît de 20% pour le 4ème trimestre. Cela conduit à estimer le volume des contrats d’apprentissage (pour les moins de 26 ans) à environ 450 000 contrats. Ce qui constituerait une baisse de 10% par rapport à 2020. Si le volume d’aide à fin septembre s’avère sous-estimé dans le rapport d’évaluation, il sera possible de revoir à la hausse, le volume des contrats. Mais cette réévaluation sera-t-elle suffisante pour tabler sur une augmentation de l’apprentissage ?
Pour les contrats pro, la même extrapolation avec les mêmes hypothèses et incertitudes, indique que le volume des contrats pro serait au même niveau qu’en 2020. Si l’on table sur une réévaluation de même ordre que pour l’apprentissage, on peut espérer une augmentation des contrats de professionnalisation. Il semble en tout cas, que la baisse constatée depuis quelques années soit stoppée.

Doit-on conclure qu’il y a en 2021 un certain rééquilibrage entre apprentissage et contrat pro ? Il est évidemment trop tôt de conclure quoi que ce soit de solide à ce stade.
Il demeure que les résultats à fin septembre après le formidable démarrage de l’aide exceptionnelle de l’apprentissage qui avait conduit à réviser fortement à la hausse le budget du plan « 1 jeune, 1 solution » et à prolonger le dispositif, indiquent en 2021 un relatif ralentissement du développement de l’apprentissage et une relative reprise des contrats de professionnalisation.
En tout état de cause, l’objectif de 820 000 jeunes aidés à fin décembre 2020 en apprentissage sera vraisemblablement dépassé à fin 2021 pour atteindre 850 000 contrats aidés et l’objectif de 132 000 en contrat de professionnalisation, sera vraisemblablement presque atteint avec 110 000 contrats aidés.
Pris ensemble l’objectif de 950 000 jeunes aidés devrait être atteint avec 960 000 contrats aidés au total. Il pourrait même être bien dépassé si l’on considère le décalage entre la contractualisation et l’engagement de l’aide qui pourrait représenter quelques dizaines de milliers de contrats.

Pour conclure, doit-on déduire que le plan de relance a permis de développer l’alternance ? Difficile à dire car au final l’évolution du nombre des contrats en alternance est dans la continuité de ce que l’on a constaté depuis 2017-18.
En revanche, le Plan de Relance avec sa déclinaison « 1 jeune 1 solution » a permis de soutenir le développement de l’alternance dans un contexte économique dépressif et d’avoir pu passer le cap de la crise sanitaire. Les conclusions seront identiques pour les autres dispositifs soutenus comme l’accompagnement des jeunes ou les formations pour les métiers en tension.
En ce sens, le Plan de Relance a pleinement joué son rôle en « limitant la casse » et en particulier l’exclusion et la précarité des jeunes. Il a sans doute permis également de maintenir, voire renforcer les dispositifs d’orientation, de formation et d’accompagnement. Mais il n’a pas résolu la question protéiforme de l’acquisition des compétences, de la professionnalisation et de l’intégration des entrants sur les marchés du travail, ou de la question des difficultés de recrutement et du développement des compétences que vivent les entreprises dans de si nombreux secteurs économiques. Mais était-ce le rôle du Plan de Relance ?
Ce qui est à craindre finalement est le fait que la plus grosse partie de l’aide du Plan « 1 jeune 1 solution » ait été accaparée par l’apprentissage, ce qui a conforté les centres de formation d’apprentissage dans leurs pratiques « d’avant », et ne l’a pas incité à évoluer comme la réforme de la formation de 2018 les y invite, évolution pourtant nécessaire pour développer l’alternance en répondant mieux (de façon plus SMART) aux besoins des entreprises, des plus petites aux plus grandes, pour faciliter l’intégration et la professionnalisation des demandeurs d’emploi dans leur diversité de situation d’employabilité, jeunes et moins jeunes, ce qui permettrait de résoudre autant faire que se peut les difficultés de recrutement des entreprises.

Hugues JURICIC, novembre 2021, Givry (71)

Télécharger l’article incluant les données et graphiques :
Développement Alternance Plan Relance

Rapport du GIEC 2021 : le chapitre 6 et le projet Grignon 2026

Le dernier rapport du GIEC (2021) est remarquable, et bien inquiétant.
Il est particulièrement solide d’un point de vue scientifique. Il n’est plus l’heure d’essayer de nier les faits et de chercher à décrédibiliser le thermomètre lorsque la température indiquée ne nous plaît pas.
En particulier pour ce qui me concerne, l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, le chapitre 6 du rapport est particulièrement instructif, édifiant au bon sens du terme.
Il traite des « Liens entre la désertification, la dégradation des terres, la sécurité alimentaire et les flux de gaz à effet de serre: synergies, compromis et options d’intervention intégrée ». Tout un programme, là aussi au très bon sens du terme.
Quarante options d’action (intervention) intégrée sont passés en revue pour évaluer leur potentiel d’impact sur l’atténuation des changements climatiques, l’adaptation à ces changements, la désertification, la dégradation des terres sans oublier la nécessaire sécurité alimentaire. Les interventions sont interdépendantes. Certaines options peuvent accroître les impacts positifs mais d’autres peuvent entrer en conflit et diminuer les impacts cumulés (l’exemple le plus connu est la concurrence entre la production de bioénergie versus la production alimentaire ou la préservation des surfaces boisées).
Il est également analysé la faisabilité des options pour des raisons économiques, technologiques, institutionnels, socioculturels, environnementaux et géophysiques.
Aussi une action coordonnée est nécessaire (vitale devrait-on dire) entre un large éventail d’acteurs, y compris les entreprises, les producteurs, les consommateurs, les gestionnaires des terres (agricoles, forêt et autres espaces naturels ou verts), les populations et les communautés locales et les décideurs, afin de créer des conditions propices à l’adoption d’options d’intervention.
Le rapport souligne qu’un retard dans l’action entraînera un besoin accru de réponse aux défis fonciers et une diminution des impacts bénéfiques des interventions en raison des changements climatiques et d’autres pressions (environnementales, démographiques, sociologiques…). Et de nombreux obstacles existent, certains technologiques mais aussi économiques, institutionnels et surtout politiques comme par exemple la lutte contre la déforestation ou l’artificialisation des terres.
Le rapport reconnaît que de nombreuses options d’intervention sont mises en pratique dans de nombreuses régions depuis de nombreuses années; cependant, il y a peu de connaissances sur l’efficacité et les implications plus larges d’autres options d’intervention.
Pour ce qui nous concerne, en France, on peut dégager en première lecture plusieurs éléments :
1/ il y a très peu de scientifiques français, agronomes ou environnementalistes, cités ; Jean-François Soussana nous sauve la mise, mais l’on peut regretter que les publications de l’INRAE ou du CNRS n’aient pas contribuer au travail du GIEC sur la question de l’exploitation humaine des terres (anthropobiocène) et des interventions à mener pour améliorer son impact sur le changement climatique.
2/ Les interventions préconisées ne sont que partiellement mises en œuvre quand elles le sont, et l’on se sent particulièrement concernés par les obstacles à leur mise en œuvre tels qu’ils énumérées dans le rapport. L’obstacle majeur semble d’ailleurs non pas politique mais plutôt institutionnel, avec notre mille-feuille institutionnel et notre propension à œuvrer en « tuyau d’orgue » et en « chapelle ».
Il nous manque à l’évidence un lieu d’échange, de concertation entre toutes les parties prenantes, les entreprises, les producteurs, les consommateurs, les gestionnaires des terres, les populations et les collectivités et associations locales et les décideurs. Et que ce lieu ne soit pas franco-français comme trop souvent, mais international pour mutualiser et capitaliser les (nombreuses) expériences.
C’est précisément l’ambition du projet GRIGNON 2026. Battons-nous pour qu’il puisse voir le jour, en dépit des blocages institutionnels et politiciens.

Hugues JURICIC
27 août 2021

Pour en savoir plus aller sur le site https://grignon2000.fr/
Pour en savoir plus télécharger
Chapitre 6 GIEC 2021
Résumé Chapitre 6 GIEC 2021